"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mercredi 13 mars 2013

Conseil des ministres


Brouhaha dans la salle du conseil. Les ministres discutent en groupes distincts sauf Arnaud, fâché avec tous, qui reste seul, consultant compulsivement sa montre "Lulu et castagnette", donc de marque française et non ostentatoire.

- Mesdames, Messieurs le président! Annonce un huissier d'une voix tonitruante.
Brouhaha dans la salle. Les ministres discutent en groupes distincts sauf Arnaud qui reste seul fâché avec tous, l'œil rivé sur sa "lulu". Tout le monde s'en fout.

-Hé, heu, je suis là! Heu! Vous voulez un café?
L'espoir que les croissants soient encore au beurre fait s'approcher tout doucement nos ministres de la table. Ils s'assoient.

- Asseyez-vous! Heu! Ah, je vois que c'est déjà fait. Najat, tu sers le café?
- Pourquoi moi encore?
- Parce que t'es la plus jeune! répond Jean-Marc voyant l'embarras de François qui commençait à vouloir se lever pour faire le service.
- Et parce que t'es une femme! lance Laurent.
- Laurent ça suffit avec tes réflexions de macho! S'emporte Cécile de sa voix de crécelle.
- Oh! N'oublie pas que tu parles à l'ancien plus jeune premier ministre de la France! rétorque Laurent. Tiens t'as pas mis ton jean ce matin?
- Spèce de boloss préhistorique!
- Et si chacun se servait? intervient François que ces disputes affligent.
- Oui mais je passe en premier! dit Laurent. C'est quand même moi l'ancien plus jeune premier ministre de la France. J'espère que les croissants sont encore au beurre. Hein Cahu?
- Profites-en, ça ne va pas durer, répond le ministre du budget qui se sent mal aimé mais qui apprécie les attentions qui l'entourent d'ordinaire en ces temps difficiles.
- Tiens au fait, reprend Laurent. J'ai besoin de crédits pour refaire la moquette de mon bureau et acheter quelques toiles.
- Tu rêves là. T'as déjà tout changé il y a deux mois. Et j'ai surement pas de crédits pour ça.
- Oui mais tu comprends, je suis quand même l'ancien plus jeune premier ministre de la France et j'ai un rang à tenir avec mes visiteurs. Regarde la Duflot, elle reçoit le DAL, donc du balatum ça lui suffit. Mais moi… Bon écoute! Je ferme deux consulats en échange. Ça te va?
- OK, ça marche. Envoie-moi un mail avec tes besoins.

Quelques minutes passent.
- Bon on commence? Heu! Ça serait bien qu'on ait fini avant midi. Parce qu'après bibiche a besoin de la salle pour une réunion de son cabinet.
Rires étouffés dans la salle.
- Bon les filles et les gars, on y va parce que nous aussi on risque de se faire engueuler par elle si on prend du retard, lance Jean-Marc.
Retour précipité autour de la table.
- Au fait il est où Le Drian? Demande François
- Il bosse! Répond Jean-Marc. Tu te rappelles on a envoyé des troupes au Mali.
- Ah oui, c'est vrai! Faudra qu'il vienne me dire comment ça se passe un de ces jours. Tu lui dis, hein!
- Oui, s'il passe me voir ou s'il décroche son téléphone quand je l'appelle.
- Bon! heu. je vais vous raconter mon voyage à Dijon. Je suis très content. Qu'est-ce qu'on a bien mangé! Et le vin alors!!! Je vous conseille la région. Eh vous savez quoi? J'ai dormi dans le lit à de Gaulle qu'on avait fait spécialement pour lui pour sa visite. 2 mètres 50. J'aurais pu emmener bibiche et ségo, elles ne seraient même pas croisées tellement il était grand. Vous répétez pas, hein?
Manuel prend discrètement des notes sur un calepin noir.
- Ça s'est bien passé pendant mon absence?
- En fait, heureusement que tu nous le dis, parce qu'on n'avait pas fait gaffe, répond Jean-Marc.
- Eh, puisque t'as vu Rebsamen, tu lui as parlé du cumul des mandats? demande perfidement Arnaud.
Rires étouffés autour de la table.
- Non, c'était pas le moment. Faut pas mélanger la détente et le boulot. Mais je le ferai, oui je le ferai.
- Oui quand on sera revenu au plein emploi.
- Arnaud? S'emporte Jean-Marc. Un peu de respect!
- Toi ça va. Va t'occuper de Mittal! Judas! Et si c'est comme ça je me casse. J'ai un rendez vous avec Smoby qui cherche un équipementier pour les roues de ses petites voitures pour enfants.
Et il quitte le conseil.

- Ça serait bien qu'il ne vienne plus, lance Christiane. Il plombe l'ambiance. Y'en a marre des gens qui se prennent au sérieux. Faut profiter de l'instant et pour nous ça ne durera pas longtemps, on le sait bien.
- Surtout avec tes réformes de la justice, lui rétorque Manuel. C'est la fête du slip tes trucs.
- Oh, c'est pas parce que quelques poulets se font tabasser ou dégommer qu'on va en faire un foin quand même. C'est leur boulot, après tout! répond Christiane.
- En tout cas j'aimerais bien que quelqu'un tranche entre laxisme et juste répression. Parce que là y'en a marre.
- T'as qu'à aller à l'UMP, lui lance Cécile qui digère mal que des SDF soient régulièrement virés par la police de leurs squats.
- Et toi retourne chez tes bons à rien, même pas fichus de nous soutenir alors qu'on les a débarrassés de toi.
- Allez, allez, on se calme! Tente de s'imposer François. On n'est quand même pas là pour parler boulot. Y a pas que ça dans la vie.
- Oui mais, en profite Jérôme, alias Cahu, ça serait bien quand même de bosser 5 minutes pour trouver les 6 milliards qui nous manquent.
- Ben y a qu'à taxer les riches, murmurent plusieurs voix.
- Ils ont mis les voiles, sauf la vieille Bettencourt qui se croit encore sous Chirac.
- Y a qu'à taxer le diesel alors, dit Delphine.
- Ça va pas, non? Y les trois quart des bagnoles qui ont des moteurs diesel et vu la côte de popularité de certains ici… Hein François! répond Cahu.
- Et qui va gérer les blocages des routiers et des paysans? reprend Manuel.
- Bon alors on prend à qui? demande François.
- Ben on a réuni une commission interministérielle, dit Cahu. Fallait trouver des gens qui ne votent pas trop pour nous et qui ne cassent rien quand ils ne sont pas contents. Alors on a trouvé les vieux, et les femmes enceintes.
- Les vieux je comprends, reprend Jean-Marc. C'est souvent des réacs. Mais les femmes enceintes?
- Ben, c'est-à-dire qu'aucune future mère digne de ce nom ne souhaite pour sa progéniture l'avenir que nous lui promettons.
- Bon, alors on taxe les retraités et on sucre les allocs, décide François.
- OK, ça roule.

Un huissier entre discrètement et glisse un mot à François.
- Y a bibiche qu'a avancé sa réunion d'une demie heure. Faut qu'on termine.
- Et moi qu'est-ce que je dis aux journalistes? demande Najat.
- T'inquiète pas. Y a Claude (Sérillon) qui t'a préparé un topo en même temps que le compte-rendu de la séance. Il a fait ça hier. Enfin surtout insiste sur le fait qu'on maitrise. Bon allez, faut y aller. Delphine, vu que c'est toi la plus jeune après Najat, tu débarrasses la table?

 

2 commentaires:

  1. Vraiment excellent cher Expat ! Voilà un genre à cultiver en une chronique hebdomadaire . Bravissimo. Usbek

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  2. Merci du compliment cher Usbek. Mais les principaux personnages évoqués rendaient l'exercice assez facile. J'aurais eu davantage de mal à mettre des paroles dans la bouche d'autres dont j'ignore même les noms.
    Ceci dit je me demande ce qu'on peut se dire lors de ce genre de réunion. Et à mon avis pas grand chose dès lors qu'on dépasse 3 ou 4 participants, et même pas la définition de quelques "éléments de langage" communs (selon l'expression consacrée pour parler de langue de bois)s'agissant de ce gouvernement en particulier.

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