"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 5 avril 2013

Malaise dans la société française…


….Et peut-être aussi dans la civilisation.

L'affaire Cahuzac qui aurait pu être banale il y a encore quelques années, quand le mensonge politique était parfaitement admis et même admiré en fonction des sympathies éprouvées par celui qui le prononçait, souvenons-nous Mitterrand face à Chirac dans le débat d'entre deux tours en 1988 ("les yeux dans les yeux, je vous le dis"), l'affaire Cahuzac pourrait-elle être l'affaire de trop, celle qui pourrait faire vaciller le système. Je ne parle pas du gouvernement, mais bien du système politique que nous connaissons depuis quelques décennies, estimé le meilleur ou le moins pire par le plus grand nombre depuis pas mal de temps, la démocratie représentative.

Le peuple, mais cette notion reste à préciser, constate sans doute, non seulement que sa place dans la démocratie se trouve de plus en plus réduite, réduite au rôle de fournir par un bulletin jeté solennellement un dimanche dans une urne, postes et prébendes à des gens, souvent les mêmes pendant des décennies qui eux-mêmes pourvoiront aux besoins de leurs amis et même le cas échéant de leur famille, mais aussi que leurs représentant jouent contre leurs intérêts, leurs volontés, leurs conceptions de la société en oubliant l'intérêt commun pour privilégier des intérêts particuliers qui peuvent être parfois les leurs.

La situation parait préoccupante. C'est toujours préoccupant quand on veut poser la vertu comme clé de voute d'un système, quand la morale veut remplacer la loi. On sait en effet où nous ont mené les régimes qui plaçaient la vertu au pinacle. En France, ce fut souvent sur la Place de la Concorde où roulaient les têtes. D'autres pays l'imitèrent encore très récemment.
C'est Montesquieu qui disait que "même la vertu a besoin de limites". Et il n'avait pas tort. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille fermer les yeux sur les turpitudes des uns et des autres, mais juste les placer entre les mains des juges… à condition que ces derniers n'endossent pas le rôle du justicier garant de la morale plutôt que de la loi. Il parait que ça se rencontre.

Ceci dit, c'est d'autant moins facile de résister à la tentation du "tous pourris" que les apparences, et aussi les réalités ne nous y incitent guère. Surtout dans une période de longue crise dont on ne voit pas le bout qui en jette beaucoup dans la précarité et fait craindre à de nombreux autres de les rejoindre à plus ou moins brève échéance.
Que penser d'un système où des responsables de son bon fonctionnement bafouent les lois pour s'enrichir tandis qu'un chômeur en fin de droits en est réduit à s'immoler parce qu'on lui réclame quelques centaines d'euros de trop perçu? Que penser d'un système ou tant de gens cherchent un emploi alors que les amis du pouvoir se retrouvent casés dans des postes sinon prestigieux, bien rémunérés, ou alors que les conjoints des ministres ou présidents d'assemblée officiels ou non, parce qu'on peut défendre devant les parlementaires le mariage pour tous sans être pour autant amateur ou amatrice en la circonstance de la chose, sont casés dans son propre cabinet ou dans celui d'un autre responsable national? Que penser d'un système où ceux qui paient l'impôt et ont intérêt ni à se tromper sur leur déclaration, ni à avoir une journée de retard, voient des puissants s'y dérober? Tout cela se passe en France, dans la démocratie française, actuellement sous un régime de gauche. Ça se passait aussi comme cela avant, n'en doutons pas, mais au moins avait-on au moins la décence de ne pas en appeler sans cesse à la morale.
Alors certes, on me dira, avec raison, que ça ne concerne pas tout le monde, peut-être même peu de monde, mais force est de constater que des affaires ne cessent de sortir en permanence. Sans parler de ce qui ne se voit pas, comme ces affaires de népotisme évoquées au-dessus, et qu'on ne découvre que par hasard ou en étant curieux, c'est-à-dire, en ayant davantage de temps que beaucoup d'autres partagés entre leur travail et leurs difficultés domestiques.

Alors effectivement à un certain moment ça risque de craquer. La précarité ou la peur de la précarité des uns face aux abus des autres, de certains autres, abus que la stigmatisation du riche gagnant plus de 1 million d'euro par an ne peut suffire à camoufler, peuvent engendrer des réactions de rejet violentes. D'autant plus violentes que beaucoup sentent que leurs intérêts, leurs préoccupations, leurs angoisses ne sont pas prises en compte, et sont même parfois méprisées. Il est en effet plus facile de pardonner ou de fermer les yeux sur les turpitudes de ceux qui vous permettent de mieux vivre ou dont vous sentez qu'ils vous respectent et œuvrent dans votre intérêt. Or, au moins les apparences sont contre ceux qui nous gouvernent, et même ceux qui voudraient les remplacer un jour. Et les sondages, en même temps que quelques élections législatives partielles, le montrent de façon éloquente.
Quand une partie du peuple se sent méprisée, par exemple ces opposants au mariage homosexuel dont on minore de façon tellement visible donc honteuse le nombre quand ils descendent dans la rue, elle n'est plus dans cet état d'esprit de tolérance vis-à-vis des turpitudes de certains membres de la représentation nationale, ni même dans cette passivité qui caractérise généralement ces gens aussi nombreux que discrets habitués à se faire tondre la laine sur le dos en silence et à voir disparaitre un à un leurs repères identitaires.
Car ce n'est pas la banlieue, les zones sensibles, qu'il faut craindre désormais, du moins que nos "élites" politiques doivent craindre, mais tous ces gens, tous ces Français qu'une pensée dominante, même si portée par une minorité, leur inculquant la honte d'être eux-mêmes, les héritiers de ces "Gaulois" aussi intolérants que malfaisants, a réduit au silence face à des mutations sociales qu'ils estiment indésirables parce qu'elles se heurtent à leur histoire, à leur mode de vie, à leur culture.
Quand à "insécurité", on répond par "adaptons les peines, évitons l'enfermement", ce peuple se sent trahi.
Quand à "insécurité culturelle" (concept pourtant porté par des penseurs de gauche comme Christophe Guilluy ou Laurent Bouvet) on réplique par "vivre ensemble", ce peuple dont je parle se sent trahi.
Quand à "racisme anti-blancs" on répond, au mieux "foutaises", au pire "réaction légitime de l'opprimé face à l'oppresseur", ce peuple se sent trahi.
Quand à "difficultés de vivre dans la France périurbaine" (ce qui est un non-choix, une fuite), on répond "les zones sensibles doivent être notre priorité, allez encore quelques milliards…", ce peuple se sent trahi.
Quand le président de la République envoie ses vœux aux musulmans de France (les considérant sans doute comme des invités alors que beaucoup sont français) à l'occasion de la fin du ramadan et oublie de l'envoyer aux chrétiens à noël ou à pâques, ce peuple, même s'il n'est pas constitué que de grenouilles de bénitiers, se sent trahi.
Je pourrais continuer cette litanie des choses qui font que ce peuple dont je parle et qui ne constitue pas une poignée d'individus, mais une majorité relative de Français, les ouvriers, les employés, les paysans, les petits cadres ou les cadres moyens, ceux qui travaillent ou en cherchent activement du travail, se sent de plus en plus mal dans cette France qui tend à ne devenir qu'une simple entité administrative, voire une province administrative de l'Europe selon certains.

Alors certes tous ces gens ne sont pas organisés et comme je le disais plus haut on les a habitués à avoir honte de leurs pensées ou au moins à ne pas les exprimer hors de certains cercles confidentiels, la famille, les amis, et encore! Mais il suffirait de pas grand-chose pour que cette masse se mobilise, et peut-être pas pour le meilleur.
Car ceux qui sont actuellement, dans leurs discours, le plus en phase avec leurs pensées, ceux qu'on appelle de manière indue et méprisante pour le peuple les populistes, de gauche ou de droite, peuvent se réjouir, même si on doit s'en méfier. Ils parlent au peuple, souvent avec talent, et ont les mains propres ou presque puisqu'ils n'ont jamais détenu le pouvoir. Et la voie qui est devant eux s'élargit.
C'est inquiétant. Et on ne s'en sortira pas par quelques annonces bidon balancées vite fait entre un conseil des ministres et un voyage à l'étranger faites par quelqu'un dont ça fait mal aux oreilles d'entendre dire "je ne savais pas, ni pour Cahuzac, ni pour mon trésorier de campagne et néanmoins ami". On attend autre chose de la part d'un chef, d'un vrai chef, un aveu de naïveté, feinte ou pas, ce n'est pas le problème. Mais la promesse d'un vrai chantier de rénovation de la démocratie. Rénovation et pas seulement nettoyage des écuries d'Augias. Pas seulement l'exigence d'honnêteté qu'on est en droit d'attendre de nos élus, mais aussi une vraie prise en compte de la volonté du peuple, et même si cette volonté parait rétrograde à nos progressistes.

6 commentaires:

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  2. Certains jouent aux apprentis-sorciers. Il n'y a pas de véritable alternative crédible au système actuel. Celui-ci doit être réformé, en profondeur sans doute. Mais ceux qui en appellent comme Mélenchon à une 6ème république n'ont rien à proposer que de couper des têtes et peut-être pas seulement au sens figuré.
    Les grandes révolutions, et notamment la française s'appuyaient sur des mouvements de pensée philosophique et/ou économique, et étaient porté par des élites. Là il n'y a rien. Rien qui puisse en tout cas durer. A moins qu'une courte période de défoulement par destruction leur convienne.
    J'ai remarqué depuis un certain temps que le palindrome aimait à naviguer entre les gauches, entre des gauches qui n'ont rien avoir entre elles.

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    1. Ce n'est pas pour rien que je vous ai aiguillé l'autre jour vers Guaino qui me semble incarner le mieux cet héritage qui a été gaspillé par ses successeurs tant de gauche que de droite.
      NS avait cette faconde (justement inspirée par Guaino) qui pouvait laisser espérer. Hélas, ses discours n'ont pas été suivis d'effets suffisants. C'est, à mon avis, ce qui l'a fait perdre.
      L'autre jour j'écoutais Zemmour qui disait qu'il nous fallait un Orban, le premier ministre hongrois, dans le sens où il nous fallait un homme assez fort pour se démarquer des diktats de la commission européenne, assez fort pour nous rendre un destin national perdu dans les méandres de cette Europe ennemie des nations.

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    2. oui,Guaino, et encore il se retient! l'absence du père....idem pour mon père

      bref j'écrirai un jour où je serai calme

      Zemmour revient ! je l'ai entendu dire ça

      rendez vous compte , une France qui se paye le luxe de ne pas écouter Zemmour! parce que lui répondre serait trop fatiguant, d'ailleurs que pourraient ils lui répondre?

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    3. j'ai supprimé deux de mes commentaires, faire propre

      j'y signalais l'orientation politique du journalisme investigateur et ma situation de gaulliste n'ayant jamais pu supporter "la chienlit"

      rien de positif ne sortira de ces "vérités" enfin exposées, explosées!

      nos institutions sont en faillite depuis longtemps à permettre à des voies, des voix discutables de leur mâcher le boulot

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