"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

lundi 6 mai 2013

L'échec d'une prophétie


Il y a une vingtaine d'années de cela je me suis livré à la lecture d'un ouvrage que je ne saurais que conseiller pour ses conclusions dont l'actualité démontre la grande pertinence. Il s'agissait de "L'échec d'une prophétie" de Léon Festinger psychologue social américain, co-écrit avec deux autres chercheurs. Ces trois individus travaillaient sur les phénomènes de dissonance cognitive qui nos atteignent tous à un moment ou l'autre de notre vie. En France ce type de travaux ont connu un certain succès avec des chercheurs comme Beauvois et Joule, respectivement des universités de Grenoble et d'Aix-en-Provence, si ma mémoire est bonne, qui avaient publié un ouvrage très accessible au grand public il y a quelques années et qui a connu un beau succès, un "Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes" qui vous expliquait entre autres que pour taper 100 balles à un inconnu il était judicieux de lui demander d'abord l'heure et que pour tirer 1000 euros à sa grand-mère il était préférable de lui en demander 10000 dans un premier temps.

Mais revenons à Festinger qui leur est très antérieur puisqu'il sévissait dans le milieu du siècle précédent.
La difficulté d'un chercheur en sciences humaines est de trouver un terrain propice à ses recherches. Il peut certes programmer des expériences, comme celle de Milgram par exemple, mais le risque d'un biais existe toujours, le montage de l'expérience pouvant être affecté par les hypothèses que le chercheur cherche à démontrer ou réfuter. On peut considérer effectivement qu'il existe une distance entre l'individu "normal" qui envoie des décharges électriques de plus en plus fortes à un inconnu incapable de répondre à des questions dans le cadre d'un jeu, et l'honnête individu sans histoire qui se transforme en tortionnaire sous l'uniforme SS ou du NKVD. Mais je ne m'étendrai pas sur le sujet.
Festinger et ses deux acolytes ont eu la possibilité, la chance même, de pouvoir infiltrer un groupe qui avait bâti sa cohésion sur la croyance de la fin du monde noyé sous les eaux et dont le groupe en question serait sauvé par une extraction en soucoupe volante par des extraterrestres en communication avec la femme, leader du groupe, par le biais de l'écriture automatique. C'était loin d'être une croyance futile à laquelle on s'adonnait à ses heures perdues, nombre de membres du groupe ayant tout laissé tomber pour se préparer à l'échéance fixée de façon précise par les extraterrestres. Tout ça se passe dans la région de Chicago dans les années 50.
Donc Festinger et ses collègues virent là une aubaine pour tester leurs hypothèses et au moins voir ce qui se passait au sein d'un groupe dont la croyance fondant la cohésion volait en éclat, en l'occurrence quand la prophétie annoncée ne se réalisait pas. Ils ont donc infiltré le groupe et observé ce qui se passait avant, pendant et après l'échec de la prophétie. Ne disposant plus du livre, je ne peux vous livrer en détail leurs observations, ce qui serait d'ailleurs trop long. Je me contenterai donc des quelques éléments qui restent au fond de ma mémoire.
Avant l'échéance, le groupe reste assez fermé, voire inhospitalier, tant il est persuadé d'avoir raison contre tout le monde. Il communique don peu ou pas, se concentrant sur sa préparation à l'événement attendu. Quand l'événement ne se réalise pas, il tente de trouver une rationalité à l'échec. En cela il est aidé assez rapidement par la cheffe du groupe à laquelle les extraterrestres donnent une explication, toujours par le biais de l'écriture automatique, précisant en l'occurrence que la force du groupe, sa croyance affirmée, ont déjoué les événements prévus et sauvé l'humanité de la catastrophe. Après cela, et devant l'échec de la prophétie on pourrait penser que le groupe va se disloquer et que après une période assez courte ses membres vont revenir à la raison et crier à la supercherie, d'autant plus que beaucoup ont tout perdu dans l'affaire. En fait il n'en est rien. Le groupe reste soudé, et ce sont ceux qui ont le plus perdu qui en forment le noyau dur. La grande différence entre avant et après étant que le groupe désormais a soif de communiquer vers l'extérieur et de convaincre ceux qui ont désormais encore plus de raisons d'être insensible ou hostiles à ses croyances.
La dissonance cognitive amènerait donc les personnes les plus attachées à une croyance qui se révèle fausse à la défendre publiquement, dès lors que son caractère farfelu s'est affirmé, avec de plus en plus de pugnacité.

Et bien voilà, nous y sommes. Une prophétie fut lancée il y a u peu plus d'un an. Elle s'énonçait de la façon suivante "Le changement c'est maintenant" et était déclinée à l'envi. Des jours radieux nous attendaient dès lors que nous aurions porté nos voix sur un candidat, certes pas providentiel, mais Madame Keech leader du groupe qui a fait l'objet des observations de Festinger n'était pas non plus une flèche. Une année plus tard la prophétie ne s'est pas réalisée et les gens les plus lucides et même les autres savent qu'elle ne se réalisera pas.
Certes on peut constater quelques différences qui tiennent essentiellement à l'attitude des socialistes avant l'élection et la mise en route du processus qui allait conduire à la (non réalisation de la prophétie. Démocratie obligeant, en fait élections, il fallait bien communiquer. Vous aurez néanmoins remarqué qu'après l'élection le besoin ne s'en est guère fait sentir pour eux qui ont porté un insignifiant à la tête du parti.
Mais pour le reste on s'y retrouve. L'échec est évidemment expliqué de façon pseudo-rationnelle : c'est la faute à Sarko (l'héritage), c'est la faute à Merkel…
Quant au noyau dur, il suffit de lire ici ou là les propos de certains blogueurs par exemple, il se répand en confiance sur notre exécutif "un gouvernement qui travaille", "des gens compétents" "vous allez voir ce que vous allez voir". L'échec les a renforcés dans leur croyance et ils n'hésitent pas à se répandre pour nous annoncer des jours meilleurs, de façon de plus en plus tonitruante à mesure que l'on s'enfonce.
C'est difficile à comprendre sauf que cela a été déjà expliqué.

4 commentaires:

  1. la prophétie est puissance électorale, aprés avoir viré l'immoral dictateur vous serez paisible avec moi, j'instaurerai la justice sociale, ceux qui ont beaucoup donnerons beaucoup

    la prophétie fait flop parceque ceux qui ont moins...donneront moins, mais ce moins est colossal sur les catégories fragiles

    pourquoi l'échec n'érode pas ceux qui croyaient à tort?

    purement idéologique: être à gauche sera toujours plus moral, plus solidaire

    et là on coule parce que ce n'est pas ça dont on a besoin, mais de l'efficace et l'efficace ça fait peur, ça ampute le bonheur, enfin ceux qui continuent à croire se sente encore capable d'être heureux en consommant

    les tombés du pédalo voteront MLP , le report ira vers le prophète, et rebelote

    les prophéties sont la mission pour perdurer dans le schéma qui arrange le Monde

    nous sommes 3 à ne plus croire à ce cinéma

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  2. je peux vous pondre la prophétie de droite, son flop me laisse à droite parce qu'idéologiquement j'espère en l'efficace de l'argent fut il outrancier et que les bisounours de ma fille croupissent à la cave

    nous sommes tout sauf rationnels, souvent

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  3. En lisant vos deux commentaires, j'en arrive à cette conclusion dont je fais mien le contenu :
    être de gauche, c'est être de gauche, et être de droite, c'est ne pas être de gauche.
    Du reste il y a des frontières qui sont difficiles à dessiner. Les discours sont donc là pour gommer les points de confusion. C'est le verbiage qui l'emporte, l'énoncé de prophéties qui ne se réaliseront que si on a de la chance, si les choses se passent comme on le souhaite en Chine, aux USA. La politique c'est devenu l'inaction, la soumissions à des normes écrites, les européennes, ou non écrites, celles de la bienpensance. On est foutu.

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  4. Très bien vu pour le politique présent, mais il y a une autre secte à laquelle s'applique ce constat, ce sont les écologistes qui en fait ne visent qu'à une domination du monde, non pas pour sauver la planète, mais pour se l'approprier et imposer à tout le monde de vivre avec les loups, les ours et les requins que nos ancêtres se sont efforcés d'éliminer pour pouvoir vivre tranquillement.

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