"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

jeudi 8 août 2013

Fiction extraterrestre (première partie)





Les soucoupes volantes arrivèrent en masse sur la terre, avec à leur bord pas moins de 50 millions d'extraterrestres. Ce fut un débarquement pacifique, dispersé sur le globe selon un plan murement réfléchi par l'ONU, le G80, le G40, le G20 et le G8 et négocié avec la délégation venue de l'espace quelques mois plus tôt pour demander l'asile politique à la Terre pour tous ces gens. 50 millions d'individus de plus ce n'est pas un problème pour la planète. Le plan d'accueil fut d'autant plus facile à  élaborer que nos extraterrestres étaient en tous  points biologiquement semblables aux humains. Seule leur peau verdâtre les distinguait des terriens. Les tests biologiques avaient démontré en effet une parfaite similitude entre les deux espèces et avait même conclu à la possibilité d'accouplements féconds entre les deux. Bref, c'étaient des hommes, mais venus d'ailleurs.

L'accueil fut dans un premier temps enthousiaste. Il existait d'autres humains ou assimilés ailleurs dont les objectifs n'étaient pas belliqueux et qui en plus étaient en avance par rapport à nous d'un point de vue technologique. Ils allaient donc nous apporter leur savoir. Ce n'est que plus tard qu'on découvrirait que ceux qui étaient parvenus jusqu'à nous n'étaient même pas capables de soulever le capot de leurs aéronefs auxquels il suffisait d'indiquer le point d'atterrissage pour qu'ils s'y rendent bien sagement. Ça aurait dû alerter quelque part, mais la liesse était si grande que ça n'effleura l'esprit de personne. Et puis d'ailleurs, avait-on par le passé demandé aux boat-people s'ils étaient capables de concevoir les coques de noix qui les avaient éloigné de leur enfer? N'étaient-ils pas comme ces pauvres gens des réfugiés politiques? Là non plus on ne s'interrogea guère sur les causes d'autant plus qu'on ne pouvait pas les vérifier.

Ils furent donc reçus dans plusieurs pays, en fonction des richesses de ces derniers, mais aussi en fonction de leur bonne volonté. La France, bien évidemment, fidèle à sa tradition d'accueil en prit une part bien supérieure à ce qui lui était demandé. Quant aux autres pays, ce fut variable, certains demandant par exemple du temps afin de vérifier si ces humains d'un nouveau type n'avaient rien à voir avec la diaspora juive.

L'accueil fut aussi de qualité variable selon les pays.
La tradition xénophile d'Etat de la France permit de les loger sans grosses difficultés même si ce fut au détriment des Français qui étaient sur les listes d'attente pour un logement social. Mais ils en avaient tellement l'habitude qu'ils grognèrent à peine. Même les plus sceptiques de nos concitoyens quant à ce nouveau type d'immigration, car il y en avait, un réac restera toujours un réac, ils se consolèrent en se disant qu'au moins ceux-là ne viendraient pas nous les gonfler avec la colonisation ou l'esclavage. Les associations toujours à l'affut pour aider ceux dont la peau n'était pas blanche, ainsi que d'autres qui se créèrent à l'occasion toujours financées par les impôts de ceux qui en payaient, se mobilisèrent et exigèrent. Et l'Etat se soumis : RSA, CAF, enfin toute la panoplie fut à disposition de nos hôtes.
En Russie, on leur fournit des pelles, des pioches, du ciment et des parpaings ainsi que quelques autres accessoires, des terrains aussi, car là-bas on n'en manque pas, et on leur fit savoir que la tradition locale était que pour manger, il fallait travailler.
Ces différentes attitudes expliquent peut-être, davantage que le climat, car ni la Norvège, ni la Suède ne connurent la même désaffection que la Russie, les nouvelles répartitions qui s'opérèrent lors des vagues suivantes d'immigration.


Mais si vous le voulez bien nous allons rester en France, pays bien connus de nous pour sa générosité.
L'installation se fit donc sans encombre majeure si ce n'est les inconvénients cités plus hauts que durent subir les autochtones. Ces gens, ma foi, se comportaient fort civilement. Même si quelques comportements pouvaient gêner. Par exemple quand on les croisait dans la rue ou ailleurs, systématiquement ils baissaient les yeux dont finalement seuls les enfants de petite taille purent apercevoir la forme et la couleur. Même sur les photos garnissant leurs papiers, il en était ainsi. On eut du mal à comprendre, mais on se dit finalement que c'était un trait de leur culture et qu'il fallait respecter ça au nom de la diversité et du vivre-ensemble associés.  Par ailleurs, on pouvait remarquer que les lumières chez nos extraterrestres restaient allumées toute la nuit. On ne les critiqua guère sur le fait que par décret spécial et en attendant des jours meilleurs pour eux ils étaient dispensés de payer l'électricité qu'ils consommaient, mais davantage sur les nuisances sonores accompagnant un style de vie étranger à la majorité de nos concitoyens. Des familles installées depuis des décennies commencèrent donc à partir sous les quolibets des bobos et les critiques des associations antiracistes qui fustigeaient l'intolérance des autochtones qui attribuaient leurs insomnies à leurs nouveaux voisins desquels il fallait respecter et préserver les modes de vie, tandis qu'ils pouvaient pallier les inconvénients induits par ceux-ci en se fournissant en xanax désormais, et depuis pas mal de temps, en vente libre sur internet, par lessiveuses entières, et à des coûts fort raisonnables. Mais ces critiques n'empêchèrent pas qu'après quelques années ne restaient dans certains endroits du territoire que quelques familles françaises désargentées au milieu de nos extraterrestres. Et sans doute par mimétisme, les membres de ces familles se mirent ils-aussi à baisser les yeux quand ils croisaient d'autres personnes. Ce qui fit se réjouir les progressistes qui applaudissaient à ce que d'aucuns considéraient comme l'émergence d'un nouveau melting-pot et un métissage réussi de cultures étrangères originellement l'une à l'autre. Ceux-là ne s'émurent jamais en aucune façon que les enfants de nos extraterrestres du fait de leur vite nocturne confondaient les bancs de l'école avec leurs lits, ce qui ne manquerait pas quelques années plus tard d'avoir de fâcheuses incidences. Mais là-aussi c'est un point sur lequel nous devrons revenir.

Ceci dit, bon an, mal an, après quelques années  la situation finit par se stabiliser en douceur, le maitre-mot étant de respecter les us et coutumes de nos hôtes désormais chez eux chez nous, et donc de procéder aux aménagements nécessaires quand il le fallait et laisser faire les choses, notamment un glissement des populations autochtones vers ceux dont les parents avaient fait le choix quelques décennies plus tôt et pour des raisons assez proches d'ailleurs, de devenir ce qu'on appelait poliment des périurbains, et de façon moins politiquement correcte, mais ça, que voulez-vous, les réactionnaires étaient déjà à l'œuvre, des exilés dans leur propre pays. Evidemment à ce glissement vers la péri-urbanité, correspondait un mouvement de concentration de nos extraterrestres. Tout doucement on rejoignait ce que les anglo-saxons avaient acté dès les premiers temps de l'arrivée de leurs quotas d'extraterrestres. Et puis il faut avouer, et ça facilitait quand même les choses comparativement à des situations antérieures, que sur le plan religieux, ces gens-là n'avaient encore manifesté aucune exigence.  Leur seule demande avait été la possibilité de construire des lieux de culte, ma foi fort discrets, puisqu'il s'agissait de cubes de béton, sans clocher, sans coupole, sans minaret, sans rien du tout, complètement hermétiques. Même un garage souterrain désaffecté et sans lumière, comme un vieille casemate de la ligne Maginot  pouvaient leur convenir. Sur leurs dogmes ils restaient assez vagues et ne cherchaient surtout pas à les faire partager par d'autres. La vieille loi de 1905 tant de fois bafouée par le passé avec la complicité de ceux qui étaient censés la protéger était enfin respectée.


Tout se passait donc à peu près bien, évacuons le cas des déplacés qui ne devaient finalement leur sort qu'à leur intolérance, c'était du moins la version véhiculée par mes lédias relayés par les associations et certains membres du gouvernement, à moins que ce ne soit l'inverse, mais comme dès le début du 21ème siècle on ne parvenait plus guère à distinguer qui faisait quoi et qui dirigeait finalement, on ne le saura jamais, donc tout se passait à peu près bien quand ce vieux "Libé" ne tenant plus depuis des décennies qu'à l'aide des impôts de ceux qui en payaient titrait en une "le regroupement familial pour les extraterrestres est un droit". Gloups! Personne n'y avait pensé sauf eux visiblement. S'en suivirent des débats houleux, d'autant plus houleux qu'on avait appris maintenant que chaque extraterrestre avait droit sur sa planète d'origine à deux conjoints et à cinq enfants par conjoint, ce qui multipliait leur nombre par dix à peu près. Alors que les uns voyaient la promesse d'un enrichissement pour la France, les autres parlaient simplement de remplacement de la population. Le gouvernement de l'époque, progressiste mais quand même prudent tergiversait. Le ministre de l'intérieur et celui de la justice se battaient comme des chiffonniers autour d'un boulier chinois pour faire des prévisions démographiques à 10, 20, 50 et 100 ans, le premier déclarant aux Français rassurés par de tels propos qu'il n'était pas question que la France cesse d'être la France, tandis que le second disait que ces notions de culture héritée, de civilisation n'avaient plus aucun sens à l'aube de la galaxisation et que donc il fallait faire droit aux demandes des extraterrestres. Le chef de l'Etat, endormi de son surnom, enfin de son surnom le plus gentil, passait des jours la bouche ouverte à regarder dans le vague, incapable de prendre une décision. Son proverbial esprit de synthèse avait subi un bug fatal. On s'en remit donc à la sagesse du Conseil d'Etat qui constata simplement que le regroupement familial pouvait s'appliquer aux extraterrestres puisqu'il n'était pas stipulé d'exception dans la loi. Il appartenait au législateur de la fin du 20ème siècle de faire figurer cette restriction s'il en avait senti l'opportunité. Dans certains pays qui n'avaient pas de telles lois, on se marrait franchement : la Pravda titra en une "ce que les écologistes français ne sont pas parvenus à faire en un siècle, le Conseil d'Etat l'a fait en un après-midi : la France verte."
Le chef de l'Etat sourit de façon débonnaire, le ministre de l'intérieur mangea son chapeau mais ne démissionna pas, le ministre de la justice demanda au maire de Paris d'organiser une grande fête de la diversité, et les Français les plus avisés commencèrent à se renseigner sur les pays d'immigration.

(Suite et fin demain)

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