"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

jeudi 13 février 2014

Comment Hollande défend les entreprises françaises






A l'occasion de la visite d'Etat de notre président aux Etats-Unis, les médias ont préféré s'attarder sur le plan de table du dîner de gala, sur les "bons" mots de notre comique national, sur l'excellent accueil et pourquoi pas sur un renouveau flamboyant de l'amitié franco-américaine qui serait portée par les deux losers du moment.
Tout cela est trop beau, et même si Fabius, notre excellent ministre des affaires étrangères, on se souvient de la Syrie, parle de sans faute, on est en droit de se poser quelques questions et se demander si la qualité de l'accueil n'est pas inversement proportionnelle à l'estime, la considération réelle portée à notre président. En tout cas nous allons voir que si Hollande est le meilleur ami d'Obama, Obama n'est pas le meilleur ami de la France.

Nous sommes donc mardi, quelques heures avant le fameux diner de gala qui nous a permis de voir un François Hollande souriant, semblant dégagé de tous les soucis qui accablent la France et accessoirement les siens (accessoirement parce qu'on s'en fout). Ceci dit j'aurais pu présenter une autre version : … le fameux diner de gala qui nous a permis de voir un François Hollande souriant, semblant dégagé de tous les soucis qui l'accablent et accessoirement de ceux qui accablent la France (accessoirement parce qu'il s'en fout). Fort diplomatiquement et afin de ne pas froisser quelque socialiste, social-démocrate pardon, égaré sur ce blog, je m'en tiendrai à la première version.
Tout se passe pour le mieux, Barack et François sont devenus des amis pour la vie, le dévers de la cravate est astucieusement camouflé sous un manteau de saison, le menu du dîner semble appétissant, on s'est à peine aperçu que la veille Huchon discutait sur son portable, sans doute pour annoncer à Bobonne qu'il était bien arrivé, alors que retentissaient les hymnes français et américains (socialisme oblige) et que le jour même, suite sans doute à une erreur de programmation de l'alarme du même portable il était arrivé en retard à la cérémonie d'accueil . Enfin bref, tout va pour le mieux ou presque. Car une menace surgit.

En effet, en ce même jour idyllique Obama se met à fustiger les entreprises françaises qui, s'imaginant peut-être qu'elles pouvaient suite à l'accord sur le nucléaire avec l'Iran tenter de reprendre les affaires avec ce pays, avaient pris des contacts sur place. En fait ce n'est pas fustiger qu'il faut dire, mais menacer. Que dit en effet Obama? Eh bien il dit ceci : "Des entreprises peuvent toujours prospecter sur les chances à plus ou moins long terme de s'installer en Iran et sur l'échéance d'un accord international sur le nucléaire iranien. Mais je peux vous dire qu'elles le font, pour l'heure, à leurs risques et périls. Parce que nous allons leur tomber dessus". Ça c'est envoyé! Non? Des esprits chagrins auraient pu voir dans cette annonce un risque d'incident diplomatique, auraient pu penser que notre président qui aime tant les entreprises françaises allait se mettre en colère et renvoyer son nouvel ami dans ses buts. Eh bien non! Il n'était pas utile de gâcher une si belle journée avec de telles futilités. Du coup Obama pouvait affirmer que son homologue français, on ne rit pas au terme homologue, était d'accord avec lui. L'homologue d'ailleurs pris bien soin de se démarquer de l'initiative des entreprises en question en déclarant : " le président de la République n'est pas le président de l'organisation patronale française."  Une déclaration bien courageuse qui a permis de démontrer au monde entier que notre président était capable de  remettre à sa place le patron du MEDEF. Non mais! Et dire que certains pensent qu'il manque de courage! On peut penser aussi que la menace faite hors micros et caméras d'être privé de dessert, un dessert qu'on annonçait succulent, joua un rôle essentiel dans la prise de position courageuse de notre gros président.

Mais revenons sur les motifs de l'annonce d'Obama. Dans un sens, et même dans l'absolu, on peut comprendre une telle déclaration alors que l'accord avec l'Iran n'est qu'un accord intérimaire n levant pas les sanctions mais les allégeant. Et que donc il est prudent et peut-être même nécessaire de maintenir la pression sur ce pays. Soit!
Mais le fond de l'affaire n'est pas vraiment là. Allons voir plutôt du côté de Peugeot et accessoirement Renault pour mieux comprendre. Ces deux constructeurs fournissaient jusqu'en 2011 40% du marché automobile iranien. S'agissant de Peugeot c'était dans ce pays, après la France où le constructeur réalisait son meilleur chiffre d'affaires. Mais quand en 2012, alors que la boite va très mal, elle est obligé de conclure un accord avec General Motors qui en échange d'une entrée dans son capital exige son retrait d'Iran. Le couteau sous la gorge Peugeot doit accepter et perd un marché de 500000 véhicules par an. De fait c'est General Motors qui compte sous couverture de Peugeot reprendre un marché qui fut très fructueux à l'époque du Shah et que le groupe français avait repris lors de l'éviction des firmes américaines du pays. Mais l'idylle entre Peugeot et General Motors sera finalement de courte durée (un avertissement pour François!) s'achevant curieusement au moment de la signature de l'accord sur le nucléaire avec l'Iran permettant à General Motors finalement d'avancer désormais à visage découvert. Et  ce, avec  d'autant plus de facilité que sous couvert de Peugeot il a pu déjà nouer des contacts avec la firme Iran Khodro qui assemblait les voitures avec les pièces fournies par le constructeur français. Renault de son côté a été menacé de sanctions aux Etats-Unis sur Nissan, la filiale japonaise du groupe qui dispose d'un marché important là-bas.
Et pour corser le tout il semble que l'attitude intransigeante de Fabius, notre avisé ministre des affaires étrangères, lors de la négociation des accords avec l'Iran lui ait été dictée par Kerry, le résultat escompté étant une défiance accrue de la part d l'Iran vis-à-vis de la France avec les conséquences économiques qu'on subodore en termes de marchés. N'oublions pas que dans le même temps Obama engageait un processus (dont une partie en sous-main) pour que le nouveau président Iranien Rohani devienne aussi à terme son nouvel ami pour la vie.
On aura donc compris que la tentative de pénétration du marché iranien par les entreprises françaises énerve Obama, non pas à cause d'un processus de diminution du risque nucléaire iranien, mais parce qu'il nuit à l'entrisme désormais envisageable et en cours des entreprises américaines sur ce marché.
Et que fait notre si avisé président? Il approuve! On comprend pourquoi on lui a déroulé le tapis rouge avec autant d'obséquiosité.


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