"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 25 avril 2014

Car tel est mon bon plaisir




1er avril 2014,10h45, Palais d l'Elysée.

Le marquis débarque dans la cour du palais présidentiel conduit par un de ses deux chauffeurs, portant casquette. Le second est chargé de récupérer les enfants à l'école.
Vite un huissier descend les marches et s'incline en ouvrant la porte arrière droite de la berline.
-       Vous êtes bien en avance aujourd'hui, Monsieur le Marquis!
-       Exact, mon cher, j'ai du avancer ma partie de squash. Veuillez quérir mon fidèle écuyer afin de que lui donne mes ordres.
-       A votre service, votre excellence!
Quelques minutes plus tard arrive enfin le fidèle Edouard qui n'attendant son maitre qu'à partir de 11h30, comme d'habitude, en profitait pour fumer un havane dérobé au marquis.
-       Bon Edouard, ce n'est pas trop tôt. J'ai failli attendre. J'ai une partie de squash qui m'attend. Ensuite, je prendrai ma douche dans les appartements présidentiels avant de déjeuner. Je vous demande deux choses. Premièrement  vous irez en cuisine leur ordonner de mettre à décanter un Lafite 98. Ensuite, vous déposerez mes 10 paires de Weston et mes douze de Berlutti dans le salon Murat. Mon cireur viendra vers 12 heures.
-       Vous voulez dire dans la salle du conseil des ministres.
-       Ben oui, elle est libre aujourd'hui. On n'est pas mercredi.
-       Et la facture?
-       Comme d'habitude. Envoyez ça au secrétariat général, dans la rubrique "frais de représentation". Enfin Edouard, ça fait deux ans qui vous me servez et vous en êtes encore à me poser de telles questions! Vous êtes vraiment un âne.
-       Très bien Monsieur le Marquis, ce sera fait et même au-delà.
-       Au-delà???
-       C'est juste histoire de parler, Monsieur le Marquis.
-       Bon j'y vais, je vous revois vers 16h00. Faites chauffer ma voiture pour cette heure car après une telle journée, je n'ai guère envie de trainer.

Le bon Edouard, l'âne, une fois le marquis parti, ouvre son ordinateur, va sur pagesjaunes.fr et se met à la recherche du numéro de téléphone de Médiapart. Eh oui, le marquis sera servi aujourd'hui au-delà de ses espérances.





25 avril de l'an de grâce 2014, 12h15, Hôtel de Roquelaure

Un huissier tout de sombre vêtu agite une clochette, et de sa forte voix se met à déclamer.

Diling, diling, diling,

"Oyez, oyez  manantes et manants, voilà qu'approche notre maitresse à toutes et à tous, l'astre de ces lieux, le génie fait femme, notre coryphée, celle qui tient entre ses blanches mains nos misérables destins, celle qui d'un regard peut signifier à l'un sa définitive déchéance et, à l'autre, d'un clignement des paupières l'immense privilège de pouvoir continuer à la servir .
Oyez manantes et manants, voilà qu'approche son altesse Royal sans e qui vous fera l'honneur l'espace d'un instant de fouler le sol que vos misérables pieds ont pollué et de respirer l'air que vous avez encombré de vos miasmes fétides.
Manantes et manants, écartez vous, rangez-vous contre les murs, notre Grâce  arrive. Que les manants avant de se courber à son passage n'oublient pas de remonter leurs braguettes et que les manantes dans leur révérence veillent à  couvrir ces seins que l'on ne saurait voir.
Voyez passer, notre éminence pas grise celle-ci même si grisée de ses nouveaux pouvoirs accordés par la grâce de notre bon roi François, voyez passer notre splendeur qui s'en va déjeuner en ses salons privés".

Passe la Dame, de son pas altier, le regard tendu vers l'horizon, précédée d'un second huissier agitant une boule d'encens et suivie de deux gens d'armes, porteurs de hallebardes.
Elle longe le couloir sur quelques mètres avant de s'engouffrer derrière une porte que referment derrière elle nos deux hallebardiers. Ceux-ci s'éloignent de façon diamétralement opposée de la porte, font quelques mètres poussant devant eux courtisans et serviteurs, parfois les deux à la fois, et  se placent avec leurs armes au milieu du couloir interdisant donc les deux accès à ce dernier sur une bonne dizaine de mètres. Du côté est du couloir, celui qui conduit à la cantine on peut observer les mines soulagées de ceux qui savent qu'aujourd'hui ils pourront déjeuner, tandis que du côté ouest s'affichent les mines contrites de ceux qui savent qu'ils vont encore une fois la sauter et qui désespérément adressent des signes à leur heureux collègues, car en ces lieux quand sa Grâce se sustente, on se tait, afin de quémander quelques restes qu'ils pourront leur rapporter peut-être tout à l'heure. Pas de chance pour ceux-là placés du mauvais côté d'un couloir infranchissable pendant que déjeune son altesse Royal, toujours sans "e", et  qui, peut-être par vice, s'efforce de ne jamais déjeuner à la même heure, empêchant ainsi toute stratégie permettant à chacun d'accéder à la cantine.
En ce vieux palais tricentenaire, grandeur et servitude sont devenus gargouillements d'estomac et humiliation. Car tel est le bon plaisir de la maitresse des lieux.


Nous sommes en 2014, sous le règne du bon roi péteux.


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