"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 18 avril 2014

La confiance est partie





Les Français sont peut-être trop exigeants vis-à-vis de leurs dirigeants politiques. Ou peut-être encore croient-ils qu'il existe des hommes providentiels capables de les sortir, de sortir le pays, d'une situation dont ils ont enfin pris la mesure. Cela est palpable à l'occasion des élections présidentielles qui montrent qu'ils sont toujours attachés à une vision de la politique, sans doute dépassée dans la mesure où ils imaginent encore qu'un éventuel remplaçant pourra faire mieux que son prédécesseur. Et  ils déchantent très vite, et même sans doute de plus en plus vite. L'évolution des courbes de popularité de nos présidents successifs semble indiquer cela quand on considère le temps de plus en plus restreint qu'il faut pour tomber dans la disgrâce du peuple pour nos chefs d'Etat successifs. L'actuel a fait mieux, largement mieux en ce domaine que son prédécesseur qui lui-même avait chuté dans les sondages plus vite que le sien. Certes on pourra aussi imputer cela à la personnalité respective de ces présidents qui font de moins en moins président. Quand le dernier élu se balade, moins de trois mois après son élection, sur une plage française en tenue de bidochon, il s'en prend plein les gencives, régresse de plus de 10 points dans les sondages. C'est sans doute le fruit d'un vieux réflexe monarchique, les restes d'une mentalité féodale voulant que chacun tienne son rôle, sa place, sans déchoir. Les Français aiment la verticalité et s'ils peuvent désormais choisir leurs seigneurs, et surtout leur seigneur en chef, leur substitut de souverain, ils ne peuvent pardonner à ceux-là et surtout à celui-là de ne pas avoir l'attitude convenable. Aussi tant le T-shirt marqué NYPD, que le pantalon en boule et le polo sans forme sur la plage de Bormes-les-Mimosas, demeurent-ils des accessoires vestimentaires symboles d'une déchéance de la fonction.

Mais le pire n'est bien sûr pas dans la tenue vestimentaire de nos présidents, même si elle marque une rupture davantage que symbolique avec un passé assez récent.
En 2012, dans sa célèbre et devenue risible anaphore quand on voit ce qu'il en est advenu, le candidat Hollande donnait une leçon à Sarkozy, président en titre. En gros il lui expliquait qu'il serait le contraire de lui, un président comme on l'imagine, ersatz de souverain, homme capable de prendre de la hauteur, du recul, se plaçant au niveau donc qu'exige sa fonction. Le monarque doit être un homme de vision, celui qui majestueusement indique le chemin et surtout pas celui qui entre dans les détails, dans les intrigues de couloirs, dans le querelles de courtisans. Et même si Hollande de par son physique et son allure ne disposait pas, et ne disposera jamais de la majesté pouvant appuyer ce discours, on doit admettre qu'il a pu en convaincre certains. Or il s'avère que l'anaphore aurait dans ses prolongations autant d'effets que le fameux discours du Bourget. Les deux piliers de la campagne du candidat Hollande, donc ce discours sans suites, mis à part les quelques incongruités sociétales qui ont divisé les Français, et cette anaphore dont chaque jour nous révèle la fausseté du propos, donc ces deux piliers qui ont permis à celui qu'on appelait Flanby, fraise des bois, Mollande, Guimauve le Conquérant, au moins étions-nous prévenus, n'étaient que du vent. Hollande a été élu sur des mensonges. Or pas davantage qu'il n'est censé les diviser, le souverain n'est censé mentir à son peuple. Car la verticalité de type féodal impose droits et devoirs à chacun des échelons qui la fonde. Du plus haut au plus bas. Et ce qui fonde le lien forcément inégalitaire qui unit les puissants et les manants s'appelle la confiance. Le pouvoir du souverain tant que des seigneurs n'est pas fondé sur l'arbitraire. Loin s'en faut. Et pour que la majorité accepte sa situation de dominée, donc pour que tienne le système, il faut que chacun tienne son rôle. Et c'est d'autant plus vrai en République que nul ne saurait se cacher derrière un soi-disant droit divin ou un droit dû à sa naissance pour atténuer un manquement à ses devoirs. Au contraire, l'exigence devrait être plus forte encore et le souci des élus et de leur entourage encore davantage affirmé dès lorsque nous ne sommes plus dans une société d'ordres.

Mais comme chacun peut le constater, ce n'est pas ainsi que cela se passe. Car en un certain sens les politiques ont rétabli un ordre qui leur est propre en devenant des professionnels de la chose, en vivant de ce qui n'aurait dû être qu'une mise à disposition de leurs compétences, de leurs talents et de leurs convictions au service du pays, au service de leur peuple. Ils se sont simplement mis à leur propre service, se constituant en une sorte d'aristocratie nouvelle dont on peut se demander légitimement si elle n'est pas pire que l'ancienne.
Car à quoi assiste désormais le peuple médusé? Tandis que les gens qu'il a portés au pouvoir devraient lui assurer protection, ce terme étant à prendre au sens large, comprenant donc ses aspects économiques, financiers, sociaux, sécuritaires, identitaires et j'en passe, il les voit depuis une trentaine d'années se dépouiller de leurs prérogatives au profit de technocrates européens ou autres qu'il n'a pas choisis, il les voit échouer dans leurs missions comprenant enfin le sens de l'expression que l'on doit à Charles Pasqua qui disait que "les promesses n'engagent que ceux à qui elles s'adressent". Alors que sa situation ne cesse de se détériorer, que l'avenir devient source de crainte plutôt que d'espoir, il voit toujours les mêmes pendant des décennies lui tenir de beaux discours sans lendemains. Et surtout il les voit prospérer.
Car pour les politiques, une fois un certain niveau de notoriété atteint, les problèmes d'avenir n'existent plus. Ne pas être élu ne signifie pas devoir pointer à pôle emploi. Car la République est généreuse avec ceux qui la servent si mal. Enfin façon de parler car il ne s'agit pas hélas de la République mais de ceux qui ont fait main basse sur elle, qui en ont fait un objet de prédation. "T'es pas réélu? Bon, l'IGAS, ça t'intéresse? A moins que tu préfères l'Institut du monde arabe. Sinon j'ai une commission pour toi." Et puisque quand on aime on ne compte pas, on étend les largesses aux conseillers, aux fidèles. Une présidence de la caisse des dépôts, c'est pas dégueu comme recyclage. Les places ne manquent pas pour récompenser ses potes. Les compétences sont accessoires évidemment. De toute façon il y a des grouillots en dessous pour faire le boulot, après tout. Ben oui, pour être facteur faut passer un concours, tandis que pour devenir inspecteur général, c'est accessoire.
Et puis il y a ces avantages qu'on accorde ou qu'on s'accorde. Alors que les retraités et les fonctionnaires voient leurs pensions et salaires figés jusqu'à une date indéterminée, alors que les prestations sociales sont bloquées, on apprend que les conseillers ministériels se partagent des primes mensuelles qui avoisinent en moyenne 4 SMIC. Peut-être bientôt davantage puisque ce dernier est considéré comme trop élevé.
Mais ne nous y trompons pas. Les Français ne sont pas trop regardants sur ces arrangements entre amis et même sur l'honnêteté de certains de leurs dirigeants. Combien de maires, de députés réélus après une condamnation? Ça ne manque pas et les dernières élections nous ont montré quelques cas emblématiques de ce découplage qui existe dans les esprits entre le comportement de certains élus et leur action politique. Il semble que les électeurs ou des électeurs soient davantage attachés à l'efficacité de leurs élus qu'à leur intégrité. Or le discours tenu par les politiciens, surtout â ceux du camp de la morale, même si les affaires ne manquent pas de les rattraper, et pas moins que les autres, est souvent inverse. La tendance à salir l'adversaire politique est plus forte que celle d'attaquer son bilan. Comme quoi ils n'ont pas compris grand-chose à ceux qu'ils sont censés représenter et gouverner. A moins que ce ne soi à cause de leur impuissance à faire mieux sur le plan politique. Du coup on se démarque comme on peut.
Non en fait tout cela, toutes ces pratiques de caste, deviennent insupportables quand le travail n'est pas fait, quand le peuple se sent mal dirigé, et même quand il sent que ses intérêts et ceux de son pays ne sont plus la priorité de ses élus.
Aujourd'hui un président a dit qu'il ne se représenterait pas si le chômage ne baissait pas d'ici la prochaine élection présidentielle. Par ce propos, il nous a indiqué quelle est sa priorité. Et ce qu'il a dit symbolise  les causes de ce dégout qu'ont de plus en plus de Français pour leur classe politique.

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