"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mardi 12 août 2014

L'Organisation





On l'appelle Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, mais il serait sas doute opportun de la débaptiser et de la nommer Organisation du Traité de Washington, là où fut signé le traité par les membres fondateurs. Comme il serait judicieux de réviser celui-ci et pour le rendre conforme à la réalité. Car, et depuis longtemps, tout est bancal dans cette organisation qui tente vainement et en trompant seulement ceux qui le veulent à se parer de principes vertueux pour exercer une pression sur ses membres, mais ce sont eux qui ont choisi cette situation, et sur des Etats souverains dont ils ne faudrait pas qu'ils pensent que leur souveraineté, voire même leur intégrité ne puissent connaitre certaines limites, pensons par exemple au cas de la Serbie amputée du Kosovo après une intervention de l'OTAN dont la légalité est pour le moins discutable par ailleurs.
Je reviendrai sur tout ça.

En attendant un peu d'histoire. Car il ne faut pas non plus cracher dans la soupe et nier le rôle stabilisateur, et sans doute même davantage, qu'a eu l'OTAN de sa création à la chute de l'URSS.
Crée en 1949, l'organisation répondait aux besoins de défense collective des pays d'Europe occidentale face au danger que représentait l'URSS. A noter qu'à l'époque on craignait également une résurgence du nationalisme allemand. De 12 membres fondateurs, l'OTAN passa à 15 membres dans les années qui suivirent en intégrant une Allemagne ayant découvert les vertus de la manne étasunienne via le plan Marshall et deux pays périphériques, éloignés géographiquement de l'Atlantique Nord et même Sud mais intéressants de par leur position stratégique, à savoir la Grèce et la Turquie. Puis plus rien jusqu'aux années 90 exceptée l'Espagne devenue démocratique qui entre dans le dispositif en 1982.
L'OTAN, et on pourra s'en étonner, survit à la chute du mur de l'URSS et à la disparition concomitante du pacte de Varsovie alors que le danger semble donc s'éloigner des rivages de l'Atlantique Nord. Et même mieux, elle prospère de façon insolente passant de 16 à 28 membres au jour d'aujourd'hui et ne semblant pas vouloir réfréner son appétit.
Un petit retour en arrière s'impose pourtant, juste pour montrer que ce n'était pas une marche en avant inexorable. Quand en 1990 l'Allemagne se réunifie, pour s'assurer de l'accord par l'URSS qui vit ses derniers mois de l'intégration de la nouvelle Allemagne dans l'Organisation, il est promis qu'aucune arme nucléaire ne serait stationnée dans l'ex-RDA et que l'OTAN renoncerait à s'étendre vers l'est. On voit ce qu'il en fut de cette promesse puisqu'après une première fournée en 1999 comprenant la Tchéquie, la Pologne et la Hongrie, ce furent en 2004 la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, et les 3 pays baltes qui intégrèrent l'Organisation. Il y a aussi la Slovénie, la Croatie ou l'Albanie, membres également mais pas à l'est. Et à ça on pourrait ajouter les tentatives pour l'instant infructueuses de faire entrer la Géorgie et l'Ukraine. Pas besoin donc d'être devin pour comprendre que la nouvelle Organisation post-guerre froide s'attache à encercler la Russie. Et on sent d'ailleurs une certaine fébrilité depuis que cette dernière n'est plus dirigée par un pouvoir faible et pillée par de puissants oligarques fort bien disposés à brader les richesses de leurs pays aux occidentaux. Il suffit de regarder qui sont les  bénéficiaires, même si l'affaire est loin d'être terminée,  du récent arrêt de la cour arbitrale de La Haye en ce qui concerne l'amende infligée à la Russie au sujet de l'affaite Loukoil (le conglomérat de Khodorkovski lequel n'a pas volé ses 10 ans de taule). Poutine ayant, dans l'intérêt de son pays qui en a vu les effets gêné, quelques appétits, il doit en payer le prix.

L'OTAN ne répond donc plus du tout à un besoin de sécurité dans l'Atlantique Nord mais à bien d'autres intérêts.
Cette organisation a par ailleurs placé ses membres, donc l'Europe essentiellement, dans un état de sujétion vis-à-vis des Etats-Unis. De Gaulle avait compris ce risque de perte de souveraineté au moins en termes d'indépendance au niveau de la politique extérieure en quittant les structures otaniennes en 1966 ayant déjà préalablement retiré du commandement otanien les flottes de l'Atlantique et de la Manche et en ayant, on le comprend, refusé de perdre son autonomie sur sa force nucléaire. La France de de Gaulle était redevenue souveraine. Ses successeurs, à partir de Mitterrand et de la première guerre du Golfe ont renoncé à cette souveraineté en se rapprochant incessamment de l'OTAN, notamment en participant à ses opérations en ex-Yougoslavie d'abord puis sur d'autres théâtres, cela impliquant de fait une mise aux normes des PC opérationnels de niveau corps d'armée (ce fut fait au début des années 2000) et une participation à la planification. La réintégration décidée par Sarkozy n'était en fait que la formalisation ou l'aboutissement de choses qui s'étaient déjà déroulées avant qu'il arrive au pouvoir.
Mais il faut dire que les Européens en ont tiré avantage. Leur effort de défense s'est sans cesse réduit, d'où des économies réalisées au profit de choses sans doute plus importantes que leur souveraineté.
Les dirigeants américains ont donc bien joué transformant une alliance bien sympathique si on se réfère au traité de Washington en un lien de dépendance vis-à-vis de leur puissance. On ne saurait vraiment leur reprocher, chaque Etat devant, théoriquement, puisque ce n'est plus le cas en Europe, œuvrer pour ses intérêts. Is n'ont même véritablement rien imposé profitant de la faiblesse, de la paresse, du manque de hauteur de vue de dirigeants qui n'avaient et n'ont sans doute pas toujours intégré ce que disait de Gaulle quand il rappelait que les Etats n'ont pas d'amis mais seulement des intérêts.
Or, qu'en est-il de nos  intérêts, dans la crise ukrainienne par exemple?  Qui pourra me démontrer qu'il est davantage dans les intérêts de la France ou de la Bulgarie par exemple dépendante à 100% du gaz russe de sanctionner la Russie sur les injonctions d'Obama? Qui pourra convaincre les exportateurs français de denrées alimentaires que les réactions de Hollande à la crise ukrainienne sont opportunes alors qu'ils vont devoir licencier en masse ou faire faillite? Quels sont les intérêts supérieurs de la France qui justifient cela? Moi je n'ai pas trouvé de réponses.

Alors, mais oui! Les principes me direz-vous! Rasmussen, le secrétaire général de l'OTAN a affirmé bien des choses démontrant sans jamais rien montrer que le méchant c'était la Russie qui représentait une menace. C'est d'ailleurs le même Rasmussen qui alors premier ministre danois avait justifié la seconde guerre du Golfe et engagé des troupes danoises qui n'étaient pas intervenues depuis un siècle en déclarant "L'Irak possède des ADM. Ce n'est pas quelque-chose que nous croyons tout simplement. Nous le savons". Déjà la voix de son maitre à l'époque. Mais faut dire qu'il fut quand même récompensé, du mois le pris-t-il comme ça, quand il quitta son poste de premier ministre pour celui qu'il occupe actuellement et qui nous a donné le plaisir de faire sa connaissance.

Et puisque nous parlons de principes, allons-y. Et pour cela référons nous au traité de l'Atlantique Nord, du moins à certains extraits :

Préambule :[…] Déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit…
On pourrait gloser sur l'héritage commun et la civilisation dès lors par exemple que la Turquie est membre de l'organisation. Mais je reprendrai ça en conclusion ça pourrait devenir un principe d'action d'une organisation réformée.
Quant aux principes démocratiques, la Grèce n'en était pas vraiment une lors de son admission dans l'organisation. Et quand en 1960 la Turquie est devenue une dictature, elle n'a pas été exclue pour autant de 'organisation. Mais sans doute que nécessité fait loi.

Article 1 : Les parties s'engagent…à s'abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
S'agissant de l'emploi de la menace, je vous laisse juge. Quant aux buts des Nations Unies, je n'avais pas exactement perçu qu'il s'agissant d'encourager les frappes aveugles contre sa population et ses propres infrastructures et d'interdire les interventions humanitaires.

Article 2 : Les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales…
C'était sans doute le but de l'installation d'un parapluie nucléaire en Europe. Mais c'est vrai que si la Russie pouvait se sentir visée, ce n'était pas le cas, bien sûr. C'est juste parce qu'elle était au mauvais endroit.

Article 3: Afin d'assurer de façon plus efficace la réalisation des buts du présent Traité… maintiendront et accroîtront leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée.
Ce point a déjà été évoqué avec les conséquences du non-respect de l'article de la part des Européens. Le non-respect de l'article 3 persistant depuis plus de 20 ans n'a pourtant jamais amené une exclusion ou des mesures incitatives.

Article 7 : Le présent Traité n'affecte pas et ne sera pas interprété comme affectant en aucune façon les droits et obligations découlant de la Charte pour les parties qui sont membres des Nations Unies ou la responsabilité primordiale du Conseil de Sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Je vous revoie à l'opération de l'OTAN au Kosovo et aux bombardements subis parla Serbie à cette occasion.

Article 12 : Après que le Traité aura été en vigueur pendant dix ans ou à toute date ultérieure, les parties se consulteront à la demande de l'une d'elles, en vue de réviser le Traité, en prenant en considération les facteurs affectant à ce moment la paix et la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord,…
Qui aura l'amabilité de prévenir une des parties que la guerre froide est terminée et que peut-être il faudrait réfléchir à une révision du traité? Que le Kosovo, la Macédoine, la Libye, etc., étaient assez loin de l'Atlantique Nord lequel ne pouvait guère craindre de conséquences pour sa sécurité même par effets de projection?
(Nota : je n'ai pas cité à dessein l'Afghanistan envisagé comme guerre contre le terrorisme. Comme il ne me gênerait pas de voir l'OTAN intervenir militairement en tant que telle contre l'EIIL)

Article 14 : Après que le Traité aura été en vigueur pendant vingt ans, toute partie pourra mettre fin au Traité en ce qui la concerne un an après avoir avisé de sa dénonciation le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique…
A part les pays ayant intégré l'OTAN depuis la fournée de 1999, aucun autre ne pourra dire que la sujétion évoquée plus haut n'est pas volontaire.


Pour conclure, je dirai que l'OTAN a joué le rôle pour lequel elle a été conçue, mais qu'elle portait déjà en germe dès lors qu'il n'y avait qu'un seul grand contributeur des risques pour les autres de ses membres qu'avait très bien distingués le général de Gaulle qui, en Homme d'Etat, donna à la France les moyens militaires adaptés à la menace du moment pour se sortir d'une nasse qui finirait bien un jour par se refermer. Ses successeurs ont démoli son travail.
La logique aurait voulu qu'elle s'auto-dissolve à la fin de la guerre froide. L'UE aurait dû être très logiquement à l'initiative de cette dissolution tandis qu'elle abordait avec Maastricht déjà dans ses cartons, et en phase même d'être adopté, une nouvelle étape de son intégration politique qui quoiqu'il arrive n'adviendra jamais tant qu'elle ne disposera pas d'une politique extérieure indépendante et donc des outils de celle-ci, à savoir une véritable capacité de défense autonome. Ce choix n'a pas été fait pour des raisons qui mériteraient d'autres développements et nous voyons désormais dans quelle situation nous sommes, capables même de prendre des décisions allant contre nos intérêts et même dangereuses pour nous.
Et si alliance il devait y avoir, elle devrait l'être, c'est mon sentiment, sur la défense de valeurs communes rapportant effectivement à des racines civilisationnelles  communes. Le danger pour notre civilisation n'est pas la Russie dont les racines sont les mêmes que les nôtres. Un regard même distrait sur le monde indique bien ce qui nous menace nous et nos valeurs. Encore faut-il vouloir en tirer les justes conséquences.

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