"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

vendredi 3 juillet 2015

Une affaire d'Etat





Depuis quelques jours la France vit un drame. Un vrai drame qui nous indique les défis auxquels nous allons devoir faire face dans le cadre de la conservation de notre glorieuse civilisation.

Ce drame ce n’est pas le terrorisme islamiste. On s’y habitue tellement que la mort par décapitation de ce chef d’entreprise par son employé est déjà oubliée. Il y aura peut-être une mention dans les médias après l’inhumation du malheureux. Mais force est de constater que si la France, du moins une partie de la France a été Charlie, cette dernière ne semble pas disposée en cet été caniculaire à être Hervé Cornara. Il fait dire que de brillants esprits, des Plénel ou des Askolovitch, ont semé le doute dans le cerveau des Français en émettant l’hypothèse, probable pour eux, que cette décapitation n’est en fait que l’issue malheureuse d’un dialogue social mal mené entre un patron et son employé. Certes le procureur soutient la thèse terroriste, mais le doute est permis. Non ? Donc en attendant les suites de l’enquête, et pour ne pas conforter les thèses de Todd, il convient d’être réservé et d’éviter les grandes manifestations, peut-être d’ailleurs réservées aux seuls hommes qui « représentent le meilleur de la France, la France de l’audace, du courage, de la générosité, de la liberté, la France que (Pelloux)vous voulez servir », à savoir les journalistes de Charlie Hebdo, selon notre grand président (délaration faite lors de la remise de la légion d’honneur à son ami Pelloux). C’est vrai qu’un chef d’entreprise, ça fait pâle figure à côté de ces gens-là. Donc pas de manifestation pour protester contre le meurtre ignoble de cet homme par un musulman fondamentaliste ! Circulez, y a rien à voir ! Et puis après tout c’est les vacances, non ?

Ce drame que vit la France, ce n’est pas non plus l’augmentation exponentielle de sa dette au cours du premier trimestre. Juste 51,6 milliards de plus, ce qui mène la dette à 97,5% du PIB à la fin mars alors que les prévisions pour la fin de l’année étaient de 96,3%. Mais c’est juste un détail. D’ailleurs le président a dit que le moment était venu de la redistribution, sans doute des bénéfices engrangés par sa magnifique gestion. C’est donc l’heure des cadeaux… à la clientèle, du moins celle ciblée car la clientèle fidèle se fait de plus en plus rare. Donc il n’y a pas de drame, c’est même le contraire pour ceux qui vont s’en mettre un peu ou plein les fouilles. Car là c’est aussi très inégal. Si on compare les 20 € offerts aux retraités impécunieux et, selon Le Point (donc à vérifier), les 1,4 millions d’euros donnés en compensation (de quoi ?) à l’ami (du président) Pelloux , le socialisme a encore une marge de progrès devant lui.

Alors c’est peut-être la crise grecque, donc celle de l’euro, et celle de l’UE. ? Ben non, encore raté ! Certes, dans tous les cas de figure, car quelle que soit l’issue la Grèce ne remboursera évidemment jamais, sauf avec l’argent qu’on lui prêtera pour le faire, le contribuable français s’en prendra pour 42 milliards. Un détail ! Mais après tout pas de quoi s’émouvoir. N’est-ce pas l’Etat qui paie ? Certains pays vivent de la rente pétrolière et/ou gazière, la rente de la France c’est sa dette. Il faut donc en profiter !

Donc ce n’est pas le terrorisme, ce n’est pas la dette, ce n’est pas la crise grecque ! Alors peut-être les problèmes liés à l’afflux de migrants ? Ou la canicule qui donne soif ? Ou le chômage, mais dont la courbe va bientôt s’inverser, parole de socialiste au pouvoir ? Les sans-abris ? Les mal-logés ? Les gens dans la précarité ? Les agriculteurs en colère ? Etc.
Et bien non, rien de tout ça ! Car de tout ça, on s’en remettra évidemment ! Un second mandat de notre glorieux président si efficace et tous ces petits inconvénients seront juste de mauvais souvenirs.

Non, le drame, le seul vrai drame que vit la France, c’est la possible disparition des Guignols. La majuscule s’impose pour marquer la différence avec les autres guignols qui eux ne risquent pas de disparaitre. C’est la grande préoccupation de nos dirigeants politiques ou de ceux qui aspirent à le devenir en ce jour où Hervé Cornara est porté en terre.
Au secours, ce salaud de Bolloré veut supprimer les Guignols ! Alors tous s’expriment, tous doivent s’exprimer. Le président à partir de l’Afrique, là où il ne craint pas huées et sifflets, est obligé d’intervenir pour nous rappeler que les Guignols font partie de notre patrimoine télévisuel (et sans doute bientôt culturel). Le premier ministre ne cache pas son émotion. Le candidat Juppé troque sa photo sur son compte twitter pour sa caricature des Guignols (depuis il se trouve plus beau). Ayrault sort de son placard pour protester. Mélenchon touite sa colère. Et plein d’autres, notamment ceux qui voudraient voir apparaitre leur caricature dans cette émission pour être rassurés sur leur existence, comme Bartolone par exemple. Y a que ces cons du FN pour ne pas protester. Faut dire qu’ils n’y sont pas gâtés. Mais les autres non plus. En fait c’est le bal des hypocrites. Ils haïssent tous leur marionnette à ce qu’il parait. Mais chut ! Faut faire semblant d’aimer d’être pris pour une tanche, pour un abruti, pour un voleur… si c’est ça qui plait aux Français. C’est l’esprit Charlie, quoi !
J’ai bien aimé les Guignols. Mais désormais, ça ne me fait plus rire. Donc je ne regarde plus. Et il semble que ce qui pourrait être considéré comme une dégradation de la perception de cette émission est assez répandu. Donc si l’émission disparait, je m’en fous. Et si elle est maintenue, eh bien je m’en fous aussi.

Cela dit le phénomène, je parle de la réaction de tous ces gens, ne manque pas d’intérêt. Il en dit long sur notre époque, sur notre civilisation comme dirait l’autre. Si c’est cela que nous devons défendre, il faut comprendre que nous avons déjà perdu, et que le pire ennemi de notre civilisation, celle qui effectivement mérite d’être défendue, c’est nous-mêmes.

Bonne nouvelle ! Il parait que Bolloré fait machine arrière ! Ouf, on n’est pas passé loin de la catastrophe.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire