"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

mardi 24 novembre 2015

Réflexions à chaud sur l'agression turque contre la Russie



Un avion d'attaque au sol russe vient donc d'être abattu par deux avions turcs. Ce n'est pas un hasard même si les conséquences peuvent être lourdes.

Voyons tout d'abord les faits.

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Cette image fournie aimablement par les Turcs est un relevé radar de la trajectoire de l'avion russe (en rouge) avec le point d'impact figuré par le rectangle vert. Si cette image correspond à la réalité, ce que dément la Russie, il y a donc bien eu une incursion ou plutôt une traversée de l'espace aérien turc sur une distance de ….2 kilomètres environ, soit un temps de vol de quelques secondes pendant lequel les Turcs auraient mis en garde plusieurs fois l'aéronef russe pendant 5 minutes. Cherchez l'erreur.
Moi je dirai que ça ressemble plutôt à une embuscade. Ça aurait pu se passer hier ou demain mais il est clair que ce n'est pas un hasard.
Par ailleurs cet avion, en aucun cas, ne menaçait la Turquie. C'est donc autre chose que la défense de sa souveraineté qui est à l'origine de ce coup, coup de poignard selon le président Poutine.
Les pilotes se sont éjectés et ont été assassinés avant de toucher terre par des rebelles modérés, violant deux règles : on ne tire pas sur un parachutiste sous voile qui ne vous tire pas dessus; on n'exécute pas les prisonniers de guerre. Mais puisqu'ils sont modérés qu'on vous dit.
Reste donc à imaginer les motifs de cet acte agressif contre la Russie.

Pour cela voyons le contexte.
Tout d'abord ce qui oppose Russes et Turcs.
La Turquie, bien que membre supposé de la coalition, entretient des rapports plus qu'ambigus avec l'EI, détournant pudiquement le regard sur les passages dans les deux sens entre sa frontière et celles de la Syrie de combattants, de blessés, de matériel, de pétrole, de coton et autres denrées qui sont autant de sources de revenus pour les terroristes syriens. Sur ce coup elle est, disons, peu regardante sur sa souveraineté territoriale.
La Russie combat les islamistes et s'attaque à leurs sources de financement en bombardant les installations pétrolières de l'EI et en attaquant les convois de camions chargés de pétrole.

La Turquie souhaite le départ d'Assad, pas une fois l'EI et autres mouvements terroristes vaincus, mais immédiatement. Le départ de Assad, même si c'est un salaud, laisserait évidemment un espace pour ses opposants. Et même si ces derniers se massacraient ensuite, il en résulterait quoiqu'il arrive l'avènement d'un régime islamiste. Il n'y a encore que de doux rêveurs pour parler encore d'une opposition modérée et démocratique. A court terme l'alternative est simple, c'est soit Assad, soit les islamistes qu'ils se nomment EI ou Al-Nosra (les deux ne formaient auparavant qu'un seul groupe et pourraient sans doute se mettre d'accord au prix de quelques assassinats) ou front islamique ou je ne sais quoi. Tous sont objectivement nos ennemis, même si l'EI tombe bien à propos pour servir d'épouvantail.
La Russie et l'Iran considèrent Assad et son armée forte encore de 150000 hommes comme un élément prépondérant de la lutte eu sol dont on ne peut pas se passer. Après on verra. Le soutien de la part de la Russie est simplement utilitaire et certainement pas d'ordre idéologique. Combattre l'islamisme qui la menace aussi sur son territoire, et conserver ses intérêts en Méditerranée, si tout cela passe par Assad aujourd'hui, ça n'implique pas qu'il reste au pouvoir une fois ces objectifs atteints. Notons au passage qu'au début du conflit les Russes étaient prêts à le lâcher sous certaines conditions. Mais les occidentaux pensant, à tort comme le prouvera la suite, que sa chute était imminente ont décliné l'offre, pour être poli.

La Turquie a pour ennemis les Kurdes, pas seulement les siens, mais aussi ceux qui combattent contre l'EI en Syrie, n'hésitant pas à les bombarder.
La Russie souhaite se rapprocher des Kurdes syriens et les inclure dans la coalition anti-EI.

S'agissant des autres acteurs.
La France, suite aux attentats du 13 novembre a esquissé un rapprochement avec la Russie. Du "Assad doit partir" comme préalable, elle est passée à"il devra partir". Par ailleurs les forces navales et aériennes russes se coordonnent et le dialogue entre chefs d'état-major a été réouvert depuis les attentats. Elle va tenter une médiation entre Etats-Unis et Russie pour qu'il n'existe qu'une coalition (espérons juste que Fabius soit écarté des tractations).
Mais sans doute en vain. Car les Etats-Unis voient d'un mauvais œil ce rapprochement de la France et peut-être de l'Europe avec la Russie. La politique de gribouille américaine au proche-orient ne doit pas faire oublier celle plus claire de tentative d'isolement de la Russie et surtout, en corolaire, la crainte d'une coopération de l'Europe et de la Russie qui pourrait évidemment dépasser le domaine militaire dans la zone du Proche-Orient. Pour être clair, et à court terme, la crainte des Etats-Unis est que l'Europe abandonne la politique de sanctions vis-à-vis de la Russie suite au problème ukrainien passé au second plan. "Nous ne voulons en aucun cas voir un lien entre la question ukrainienne et la situation en Syrie", a déclaré Ben Rhodes, conseiller national adjoint pour les communications stratégiques des Etats-Unis. Mais il est clair que ce lien ne peut qu'apparaitre dans le cadre d'une alliance militaire avec la Russie, d'autant plus que les Européens et notamment la France sont aussi victimes de la politique de sanctions, contrairement aux Etats-Unis.

A partir de là donc quelques hypothèses peuvent être émises pour expliquer ce geste agressif de la Turquie, quasiment un geste de guerre.
La Turquie a peut-être agi seule, c’est-à-dire sans être influencée dans sa décision, une décision évidemment prise à l'avance puisque le temps de passage de l'avion russe sur le territoire turc, à condition que ce dernier ait été survolé, si on considère les relevés radars produits n'a pas permis de prendre le temps de la décision lors de ce survol. Ce serait donc en même temps qu'un signe de soutien aux rebelles syriens qui ont assassiné les pilotes, mais on ne peut pas leur en vouloir d'ignorer la Convention de Genève, et puis c'est culturel et donc ça se respecte,n'est-ce pas, un coup de semonce adressé à Moscou pour que les intérêts turcs cessent d'être menacés.
J'ai un peu de mal à y croire ou alors ces gens sont devenus fous.
Ce qui est par contre intéressant c'est que dans la foulée de l'acte, la Turquie demande une réunion de l'OTAN, tandis qu'elle aura quand même du mal à faire valoir l'article 5 puisqu'elle n'a pas été attaquée. De fait elle semble vouloir se prémunir de représailles qui de toute façon viendront sous une forme ou une autre. Les conclusions de la réunion de l'OTAN, et donc je reviendrai sans doute ou peut-être sur ce billet, ne manqueront pas d'un certain intérêt. Elles montreront la position des membres et leur niveau d'inféodation. Si le président tchèque et le premier ministre suédois ont déjà condamné l'acte turc, les autres membres, et la France donc, restent bien silencieux. L'appel au calme de Tusk, président de l'UE en titre peut lui ressembler à de la crainte, car à ce niveau les choses peuvent vite dégénérer.
De fait si la Turquie ressortait (et je pense que ça va être le cas) confortée de la réunion, donc protégée des conséquences de ses actes agressifs contre la puissance russe, cela peut clairement signifier que cette attaque a été concertée. Les Américains se sont évidemment empressés de dire qu'ils n'y étaient pour rien. Mais on n'est pas obligé de les croire. Si donc l'OTAN soutient la Turquie, en dépit du fait que l'article 5 n'est pas applicable, si elle estime légitime l'agression turque (ou pour ceux qui trouvent que j'exagère, une réaction disproportionnée à une éventuelle très courte incursion non agressive – désolé, mais là je ne peux pas aller plus loin dans la minimisation de l'acte), cela pourra signifier que la Turquie a agi sur ordre. La solidarité/soumission otanienne enfoncera évidemment un coin entre les membres de l'organisation et la Russie et remettra au gout du jour un climat de guerre froide qui était en train de s'estomper du fait du rapprochement de la France et de la Russie et du probable prochain abandon des sanctions contre ce pays de la part de l'UE.

samedi 21 novembre 2015

La semaine d'après : constats et questions





Voilà donc quelques jours des ordures islamistes, certains ont encore du mal avec l'adjectif, notre président en tête, frappaient la France. Le choc a été d'autant plus grand qu'effectivement cette fois c'était la France qui était visée et non plus seulement des juifs ou des blasphémateurs. Cela dit ceux qui se croyaient protégés des exactions des soldats de Allah parce qu'ils n'appartenaient pas à ces catégories auraient dû se souvenir que les attentats de 1995 n'avaient pas fait de distinctions, pas plus que celui du Thalys, il y a peu de temps pourtant, n'en aurait fait si par un hasard miraculeux quelques hommes courageux ne s'étaient pas trouvé là pour stopper l'islamiste de service ce jour-là. Mais c'est ainsi, le besoin de se sentir un peu en sécurité incite à éviter de faire les analyses nécessaires pour comprendre la menace qui pèse sur vous, pour ne pas vivre dans la peur.

Il fait quand même dire que cet évitement du sentiment de peur peut se comprendre. Rassurez-vous je n'entrerai pas dans les arcanes du cerveau et ne me livrerai pas à une analyse psychologique. Je laisse ça à d'autres peut-être plus compétents. Non ça peut se comprendre surtout quand après janvier on a vu se développer, après de grands moments de compassion autant spontanés qu'organisés pour la plus grande gloire de notre chef bien aimé, parallèlement à un discours guerrier un discours compréhensif. Nous avions certes un ennemi qu'il fallait combattre, mais peut-être fallait-il nous combattre d'abord nous-mêmes pour que n'émerge pas au milieu de nous cet ennemi redoutable. Les campagnes morales et relayées efficacement aux niveaux politique et médiatique et qu'on résumera par ce slogan faisant date dans notre République, "pas d'amalgame", interdisaient d'envisager d'autres explications. C'est parfaitement le discours schizophrène tenu par notre premier ministre qui parlait de guerre et même de guerre de civilisation, avec ou sans s, c'est selon, qui fut et vite atténué par des considérations sociologiques dignes du café du commerce, souvenez-vous de l'apartheid, mais aux effets tellement ravageurs dans leurs effet puisque désormais la solution au terrorisme devenait la mélange des gens malgré eux, dans la ville ou plutôt sa périphérie parce que c'est toujours aux mêmes de faire ce genre d'effort, évidemment, et à l'école.
Et donc la peur peut se comprendre quand on parle d'une guerre à laquelle on pourrait peut-être mettre fin en mettant à l'amende le peuple français si peu accueillant et quand on ne prend pas de véritables mesures répressives contre les milieux islamistes et que, partant, peu de choses efficaces sont faites pour éviter de nouveaux actes de terrorisme islamique. Les seules véritables mesures qui ont été prises ont été de faire voter la loi sur le renseignement et de mettre des milliers de militaires dans la rue dont le seul but réel était de se faire voir, pour rassurer la population. Ces pauvres militaires dont je ne détaillerai pas ici les conditions juridiques et matérielles d'ouverture du feu, ça vous ferait pleurer, n'étaient là, ne sont toujours là, que pour participer à la communication gouvernementale tout en servant de cibles potentielles, et tout en obérant les capacités opérationnelles des armées dont les effectifs en baisse continue depuis des années parallèlement à des interventions extérieures qui elles ne faiblissent pas se révèlent insuffisants désormais. Quant à la loi sur le renseignement ses contours sont si vastes qu'ils laissent douter de la véritable cible. Par ailleurs, et même si je serai sans doute le dernier à ne pas croire aux vertus du renseignement, celui-ci pour être efficace doit pouvoir être traité dans de brefs délais, cela impliquant de bien cibler ce qu'on cherche, et par des gens bien rompus à l'exercice. Des recrutements tardifs ne rendront leurs effets que plus tard, évidemment. Mais finalement peut-être que le problème n'est pas seulement dans un renseignement qui ne pourrait pas prévoir tous les attentats. Aucun service ne le peut, hélas. Peut-être faut-il aussi s'interroger sur le sort qui est fait aux renseignements fournis par les services compétents. Compétents, ils doivent d'ailleurs l'être, même s'il existe des défaillances, puisqu'on apprend à chaque attentat que les terroristes, du moins les nôtres, sont fichés comme potentiellement dangereux. Vous savez les fameuses fiches S. Parait qu'il y en a plus de 11 000. Autant que de militaires dans les rues. La bonne question est donc de savoir ce qu'on fait des renseignements et pourquoi il faut attendre que les terroristes aient quasiment les armes à la main pour les intercepter ou qu'ils aient commis leurs actes pour les neutraliser, comme on dit pudiquement.

Oui les Français peuvent avoir peur de voir leur sécurité entre les mains d'incapables. Incapables de faire les bonnes analyses, incapables de mener les actions préventives nécessaires à une limitation du risque terroriste.
L'excuse, car c'en est une, sociologique tient évidemment bien moins la route dès lors qu'on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas que de Français en déshérence, en fait des ratés, qui sont au cœur des attentats, mais qu'il s'agit d'une réelle internationale terroriste islamiste. Cette fois on a dépassé le stade des Mehra, Nemmouche, Kouachi, Koulibali et consorts, ceux qu'on nommait pour se rassurer sans doute, à moins que ce ne soit pour masquer la vérité, des loups solitaires, après en avoir qualifié d'autres, vous savez ceux qui se jetaient sur la foule en voiture en criant "allah ouakar", de déséquilibrés. Les terroristes viennent non seulement de chez nous, mais d'autres pays, pays voisins ou lointains, certains s'étant infiltrés parmi les migrants des derniers mois. De ce dernier risque il était interdit de parler il y a encore peu, souvenez-vous. Les migrants étaient une chance pour l'Europe, même si parmi eux les chrétiens avaient la malencontreuse idée parfois de se faire tabasser, voire jeter par-dessus bord en Méditerranée par leurs compagnons d'infortune musulmans. Ce genre d'information ne connaissait pas évidemment une grande publicité. Faut pas stigmatiser!
C'est d'ailleurs sans doute au nom de ce principe que quand à l'été 2014 on pouvait trouver sur les rayons de l'espace librairie des supermarchés des livres prônant le djihad, les services du ministère de l'intérieur répondaient la chose suivante à une sollicitation de journalistes (Metronews) : "On ne peut pas interdire des livres dès qu'ils sont choquants. S’il n'y a pas d'appel à la haine ou d'apologie au terrorisme, on ne peut pas l'interdire. Ce n'est pas un délit de prôner le djihad, ce n'est pénalement pas répréhensible". Le ministère de l'intérieur avait à l'époque une curieuse vision du djihad. Il parait qu'il en a changé depuis menant désormais la chasse aux mosquées où on le prône. Il était temps! Néanmoins, et malgré ce changement de fusil d'épaule, on est en droit de se poser des questions sur la capacité des autorités en charge de la sécurité des Français à remplir leur mission.
La vraie question qui donc se pose est : "pourquoi avoir attendu les attentats du 13 novembre pour faire ce qui devait être fait au moins depuis janvier 2015 et plus certainement depuis la meurtrière équipée de Mehra?" Et celle qui suit logiquement est: "pourquoi devrions-nous faire confiance désormais à ceux qui ont failli et n'ont même pas eu la décence de présenter leurs excuses?". Je n'oserai même pas parler de démission, chose pourtant classique dans des temps pas si anciens que ça quand on avait failli à ses devoirs d'une façon aussi dramatique. Ce n'est plus de mise désormais et l'on voit ceux qui, même aujourd'hui, alors que les derniers cadavres sont encore en voie d'identification, refusent de s'exprimer sur une mesure telle que le retrait de nationalité pour les terroristes, continuer à pavaner à la tête de leur ministère. N'est-ce pas madame Taubira? Et c'est à ça que nous devrions faire confiance? Au nom de quoi? De l'union nationale?

L'union nationale est évidemment une chose souhaitable alors qu'on nous annonce que nous sommes en guerre. Mais peut-elle se faire raisonnablement derrière celle qui ont montré leurs limites, ceux qui par aveuglement idéologique ont refusé d'admettre la nature des menaces qui pesaient sur la France. L'union nationale ne doit pas être un pardon. Et certainement pas une injonction à se taire. On peut s'unir face à un deuil, et communier tous ensemble en allumant des bougies. On doit s'unir face à une menace commune. Mais cet impératif d'union doit être accompagné de la confiance vis-à-vis de ceux derrière lesquels on doit se ranger. Or la confiance ne peut pas exister actuellement. Si l'émotion des premiers jours incite légitimement à éviter les querelles, elle doit laisser très vite place à une exigence d'efficacité qu'on aurait du mal à reconnaitre à l'équipe qui est en place. Et même si les premières réactions aux attentats vont enfin, et cet enfin est important, dans le bon sens, ça ne doit pas enterrer les responsabilités passées. Car dans deux mois, trois mois, alors que l'état d'urgence aura cessé, comment croire que ceux qui ont déjà failli ne se laisseront pas de nouveau guider par leurs fantasmes idéologiques pour mener leur mission de sécurité. Peut-on en effet croire ce revirement sécuritaire durable et même sincère?

Car en effet c'est un revirement qui s'est opéré. Et pas seulement sur le plan intérieur. C'est en effet la même chose sur le plan diplomatique, même si, et on le verra, la sincérité doit là aussi être mise en doute.
L'attitude diplomatique de la France vis-à-vis de ce qui se passe en Syrie depuis 2011 a, en effet, été lamentable. Si on veut chercher une continuité entre les deux présidences Sarkozy et Hollande, c'est bien dans la politique étrangère menée dans cette région qu'on la trouvera. Les deux crânes d'œuf qui se sont succédé au Quai d'Orsay ont, vous savez le "meilleur d'entre nous" et "l'ancien plus jeune premier ministre de la France", sont parvenus par leurs efforts successifs à pourrir la situation en Syrie, en reconnaissant un gouvernement que personne sur place ne reconnait, en sabotant les tentatives de conciliation, notamment les conférences de Genève, en refusant de parler aux interlocuteurs qui ne leur plaisaient pas, et pourtant acteurs majeurs sur le terrain, je pense au gouvernement légal syrien et à l'Iran, en laissant le soin au Qatar et à l'Arabe Saoudite de désigner les forces d'opposition qui étaient assez présentables pour qu'on les arme (quelle garantie, n'est-ce pas?). En fait il n'est pas besoin de s'étendre sur la politique étrangère française dans le conflit syrien. La France s'est mise à la remorque de ses clients, sacrifiant ses intérêts fondamentaux au nom d'intérêts économiques à court terme. Et je me retiendrai de parler des relations individuelles entretenues par politiques de tous bords et journalistes avec le Qatar en particulier.
Dans ce tableau minable, la Russie est par deux fois intervenue, contrecarrant les projets français, du Qatar et de l'Arabie Saoudite pardon. La première fois, à la fin de l'été 2013, en proposant un plan pour le contrôle des armes chimiques détenues par le gouvernement syrien, laissant notre pépère bien seul et bien con à quelques heures d'une attaque programmée contre Damas. La seconde fois en intervenant massivement par des bombardements ne tenant guère compte, c'est une litote, des classifications entre bons et mauvais islamistes opérées par l'Arabie Saoudite, osant même jusqu'à frapper le front al-nosra, émanation d'al qaida, dont pourtant Fabius trouvait qu'il faisait du bon boulot. La Russie fut évidement critiquée pour son soutien à Assad dont le départ devait être un préalable au règlement de la question syrienne et, j'imagine, à l'avènement d'une démocratie heureuse et prospère sous le patronage des démocraties qataries et saoudiennes. C'est d'ailleurs au nom de ce bonheur à venir que Valls refusa une liste de français djihadistes en Syrie que lui proposait le régime d'Assad. Parce que "non monsieur, qui ne méritez pas d'exister sur terre (Fabius), nous on préfère prendre le risque de voir nos ressortissants se faire péter chez nous, que de traiter avec vous! Et toc!". Et boum! Le 13 novembre arriva et avec lui une inflexion, c'est encore une litote, de notre politique étrangère. Désormais Assad peut rester jusqu'au règlement politique, c'est la position russe, et nous nous coordonnerons avec les Russes pour frapper l'EI. Reste que toutefois on attend au moins une prise de distance avec nos alliés qataris et saoudiens pour que ce changement de politique apparaisse comme sincère, et non pas juste opportuniste. Peut-être qu'un changement prochain à la tête du Quai d'Orsay éclairera-t-il la situation.
En attendant, il faut juste constater que notre politique étrangère, intransigeante, tellement déroutante que le Monde Diplomatique écrivait en octobre 2013 que "L'Elysée et le Quai d'Orsay auront réussi le tour de force simultané d'exaspérer Washington, de gêner Londres, de faire lever les yeux au ciel à Berlin, de désespérer Beyrouth, de déclencher un concert de soupirs à Bruxelles et d'amuser les joueurs d'échec de Moscou.", donc que notre politique étrangère a largement contribué à faire perdurer le conflit en Syrie et donc à laisser se développer les forces islamistes en présence. Notons au passage que la France est désormais marginalisée dans les négociations de Vienne. Le discours anti-Assad français a de plus sans doute suscité des vocations dans les rangs d'une jeunesse islamisée qui trouvait un adversaire dont la disparition physique était explicitement souhaitée par l'exécutif.

Toutes ces suites d'erreurs, d'erreurs d'appréciation sur fond idéologique, sur les plans intérieur et extérieur ne sont évidemment pas à l'origine du phénomène djihadiste qui est consubstantiel à l'islam depuis qu'il existe, même si, bien heureusement il ne concerne qu'une partie encore minoritaire des musulmans mais qui semble néanmoins progresser en volume avec les années et les succès qu'il remporte. Mais ces erreurs ont offert un terreau favorable à son développement d'abord sur notre sol puisque "le prôner n'était pas considéré comme un délit" et que tenter de l'analyser sous d'autres angles que ceux autorisés et veillant davantage à "ne pas stigmatiser" qu'à réellement comprendre vous rangeait illico dans le camp des fachos, et ensuite sur le théâtre moyen-oriental en raison notamment d'alliances aussi aveugles que douteuses dont il faudra bien un jour aller fouiller pour en discerner la nature profonde car je doute qu'un tel aveuglement ne soit dû qu'à des intérêts économiques globaux.
Alors c'est clair, la question de confiance se pose. Pas à l'Assemblée, pour cause de conflits d'intérêts. Mais devant le peuple. Quand on pense qu'il y a 10 jours la grande menace pour la France était la prise d'une ou deux régions par le FN!!! On croit rêver! Alors peut-être qu'on pourrait enfin trouver des gens intelligents, dignes de confiance, ayant pour intérêts la France plutôt que leur petite carrière. Peut-être est-il temps de penser que l'union nationale si elle est souhaitable ne peut qu'exister que derrière un gouvernement d'union nationale. On a des Védrine ou des Villepin qui sont disponibles, mais sans doute d'autres même si dans la classe politique, comme ça, spontanément, les noms ont du mal à me venir à l'esprit.

samedi 14 novembre 2015

C'est la guerre! Oui et alors?





C'est en effet ainsi que ça se passe. Et que ça va continuer à se passer. Et donc cette guerre nous ne la gagnerons pas, à l'instar de celle qui se déroule actuellement dans le Sahel où nos forces sont engagées. Mais pas pour les mêmes raisons : si dans le Sahel, les moyens mis en œuvre ne sont pas suffisants, nous sommes en effet un peu seuls avec nos amis tchadiens et au passage on notera l'hypocrisie de nos amis et alliés occidentaux, vous savez ceux qui pleurent aujourd'hui avec nous, qui restent bien éloignés de ce conflit destiné à combattre l'islamisme, sur notre sol c'est notre faiblesse morale, nos compromissions, le refus de voir qui sont nos ennemis qui nous empêcheront de vaincre, car comment mener une guerre quand on ne veut pas nommer l'ennemi.

Je vis éloigné de la France, et même de façon de plus en plus éloignée quand je vois ce qui s'y passe, comment évolue ce pays, comment il poursuit son déclin avec la bénédiction de ses dirigeants et de ceux qui osent se prétendre l'élite, je ne parle pas bien sûr des pseudo-intellectuels dénoncés par notre si brillante ministre de l'éducation nationale. J'admire leur courage à ceux-là, insultés, fascisés, et même nazifiés à l'occasion. "Comment ça? Ils osent parler de frontières, de valeurs, de racines, et même et surtout d'incompatibilités! Ils raillent le vivre ensemble, tels que nous, les bienpensants, les gens du camp du bien, le concevons (au fait comment le concevons-nous?), ils ne croient ni au métissage, ni aux vertus de la diversité, alors que nous, ânes que nous sommes, incapables de comprendre l'antinomie, nous bénissons les deux en même temps. Et puis leurs doutes sur la religion de paix, d'amour et de tolérance, vous vous rendez compte, alors que nous savons, nous, très bien, que notre modèle de France inclusive est indépassable…".
Je vis donc éloigné de la France, pays où je suis né, mais pas tous mes ascendants, et qu'on m'a appris à aimer quand j'étais enfant, chez moi, à l'école, publique, je précise, tandis qu'on apprend désormais à le désaimer, ce vieux pays esclavagiste, colonialiste. Je me suis engagé à défendre mon pays quand j'ai atteint l'âge adulte, au prix de mon sang si nécessaire (il y a d'autres manières tout aussi honorables de le servir, mais aussi tellement de le desservir), et à l'époque on ne peut pas dire que c'était bien considéré, en tout cas curieusement moins que maintenant tandis que parfois le doute m'assaille sur le rapport entre l'état militaire et la défense de la France et de ses intérêts fondamentaux, sur le bien-fondé de faire des militaires des supplétifs des forces de l'ordre, j'insiste sur supplétifs au regard des pouvoirs qu'ils ont et notamment en matière d'ouverture du feu. On appellera ça l'illusion de la protection.
En fait le mot est dit : illusion. C'est le corollaire du mensonge dans lequel nous vivons depuis des décennies. L'illusion que notre monde allait se transformer, transformer les hommes, les rendre égaux, tout cela en feignent d'ignorer que si les hommes peuvent être égaux, doivent être égaux, ils ne seront jamais identiques. L'illusion qu'en dissolvant la France dans de vastes ensembles (l'Europe, et bientôt l'union des rives atlantiques via le TAFTA, l'OTAN), que donc en renonçant à nos racines, aux clés de la souveraineté, à la capacité de nous défendre, nous allions vivre mieux. L'illusion que l'abondance de biens de consommation, souvent parfaitement inutiles mais dont le besoin serait créé artificiellement, biens de consommation qui pourtant deviendraient de plus en plus inaccessibles, et donc on les ferait fabriquer ailleurs pour faire baisser les prix, éventuellement pas des gosses transformés en esclaves, allait uniformiser une partie de l'humanité, faut bien qu'une seconde partie œuvre pour procurer à la première ce dont elle n'a pas besoin, la faire rentrer dans une bienheureuse léthargie que viendraient partager avec bonheur ceux qui nous rejoindraient, échappés souvent de la seconde partie de l'humanité. Et puis comme ça ne marchait pas bien, on a dit à la première partie : "bande d'égoïstes, vous refusez de faire de la place aux autres, de leur faire partager votre bonheur. Y en a même qui osent prétendre que les valeurs anciennes, ringardes, moisies, rances (terminologie très en vogue dans les milieux de la gauche bienpensante) méritent d'être partagées et donc devenir celles de nos hôtes. Quelle horreur! Les leurs valent bien les vôtres. Vous refusez de vivre avec eux, les enfermant ainsi dans des ghettos, établissant ainsi un abject apartheid." Ce à quoi tentent de répondre les accusés sans qu'on les entende : "Mais m'sieur, mais m'dame. Nos parents sont venus là dans les années 60, 70. Ils en étaient heureux, c'était le progrès, les toilettes, la salle de bain, le tout-à-l'égout, les commerces, la ville et ses opportunités. Nous avons grandi là. Puis d'autres sont arrivés. Au début ils vivaient comme nous, ou faisaient l'effort d'essayer. Et puis d'autres encore sont venus. Et comme on leur a dit qu'ils pouvaient vivre comme chez eux, que leur dénier ce droit état du racisme, les chiens de garde veillaient, et bien on a dû partir, ailleurs, plus loin, parce que nous n'étions plus chez nous et que nous savions que nous ne le serions jamais plus." Ceci est évidement honteux, je parle de ces propos. Dire que des gens souhaitent vivre entre eux et selon des règles différentes de celles supposées être celles de notre pays, ça vous amène devant les tribunaux avec des procureurs qui réclament des amendes de 10000€. Ça en calme plus d'un. La liberté d'expression, l'énoncé de simplement ce qu'on voit et que tout le monde sait est un luxe que seuls les riches peuvent s'offrir. Du coup les autres votent "mal" ou ne votent plus, tout simplement.

Alors, vous me direz, quel rapport avec les attentats terroristes? Eh bien, tout, enfin presque tout, on verra ça plus loin.
Les attentats de ce funeste vendredi 13 novembre, on peut être une ordure de la pire espèce mais néanmoins facétieux, auront appris au moins une chose aux Français. Que nul ne peut prétendre y échapper. Au début des années 80, quand le sida fit son apparition on pensait que c'était réservé aux "pédés et aux toxicos" (on osait encore parler comme ça à l'époque) et puis ensuite on a appris que le fléau pouvait toucher tout le monde. Les attentats c'est pareil. Jusqu'à une époque très récente, on pouvait penser que c'était réservé aux blasphémateurs et aux Juifs. Les premiers selon certains l'avaient bien cherché, quant aux seconds ils n'avaient qu'à pas être juifs et donc être proches, forcément, de cet Etat hors la loi qui martyrise les pauvres Palestiniens. Mais hier, pas de bol, ils ont tiré tous azimuts et même si les propriétaires du bataclan sont juifs, tous les amateurs de heavy metal ne le sont pas. Peut-être même qu'il y avait des musulmans dans la salle, certainement même, mais forcément des mauvais (selon les terroristes si pieux) puisqu'ils écoutaient cette musique et même de la musique tout court. N'y a-t-il pas un imam, à Brest si ma mémoire est bonne, qui expliquait doctement à des enfants il y a peu, qu'un bon musulman n'écoutait pas de la musique, œuvre du diable. Aucun procureur pourtant pour réclamer une amende de 10000€, aucun ministre de l'intérieur pour le mettre dehors.
Donc maintenant que chacun sait qu'il peut devenir une cible, peut-être va-t-on commencer à réfléchir. Peut-être va-t-on commencer à se demander sérieusement pourquoi des Français, du moins des titulaires d'un passeport français (parait qu'il y avait un terroriste sur lequel on a retrouvé un passeport syrien : sans doute une des malheureuses victimes de Assad qui a trouvé asile chez nous) font des cartons sur leurs compatriotes. Et puis peut-être qu'en réfléchissant bien, qu'en dépassant les slogans qui ne sauraient tarder du "padamalgam", destinés à réprimer toutes les mauvaises pensées qui pourraient surgir d'un cerveau sans doute reptilien à ce stade, mais surtout imprégné d'une culture millénaire et évidemment nauséabonde, on se dira que, malgré un passeport identique, ce ne sont pas des compatriotes. Que les papiers d'identité, mot horrible, ne fondent justement pas une identité qui pourrait être partagée, mais sont juste le résultat de règles administratives prenant acte que des individus sont nés sur le même territoire, ont un parent ayant aussi des papiers français, etc. Qu'il n'y a pas une France, mais plusieurs, en tout cas au moins deux, qui vivent parallèlement. Certes il y a une masse énorme qui vit à cheval sur les deux, dans l'une le jour quand elle travaille, dans l'autre quand elle rentre chez elle, qui tente parfois de s'échapper de la seconde, cela expliquant les forts mouvements de population dans les banlieues, ou qui se rangera derrière le vainqueur, soumise. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il existe  dans la seconde France en effet des irréductibles imperméables aux règles de la première que celle-ci a renoncé à leur appliquer, et qui ont pour objectif final de soumettre cette dernière à laquelle ils ont déclaré la guerre.
Car parler de guerre est bien, mais caractériser celle-ci est encore mieux. En effet cette guerre est aussi intérieure, opposant des Français, même s'ils ne sont que Français de papiers, même si elle puise ses sources dans une idéologie universaliste dont le centre est ailleurs, mais aussi dans les têtes. Cette guerre est totale, armée, économique, morale, idéologique. Et la force du nombre qui caractérise la première France risque de ne pas suffire à lui garantir la victoire dès lors qu'elle continuera à mettre à disposition de la seconde des moyens économiques, fermant les yeux sur la situation réelle, et à faire preuve d'une si grande faiblesse morale. La première France est si avachie, tellement peu sûre d'elle-même, on lui a tellement expliqué et dès l'école qu'elle était le résidu des pires choses que la terre ait portées, tellement prête à toutes les compromissions et si mal dirigée depuis longtemps qu'elle risque de se voir submergée. La démographie, l'immigration, les délires de l'inclusion précipiteront sa défaite.

Plus haut je disais que ce n'était pas tout. Même si finalement tout est lié. Je parlais effectivement d'une idéologie universaliste, plutôt conquérante d'ailleurs, dont la source est éloignée géographiquement (mais aussi dans le temps puisqu'elle se présente comme à ses origines). Mais là-aussi il est de bon ton de fermer les yeux sur cette réalité, de préférer des intérêts économiques à des intérêts sécuritaires. Vendre quelques avions, quelques armes, attirer des fonds, aller jusqu'à permettre le financement de projets dans les banlieues sans vraiment rien contrôler, vaut bien quelques compromissions, n'est-ce pas? Suivre une politique étrangère dictée de l'extérieur est par ailleurs devenue la règle. Et dans tout ça les vrais intérêts de la France, où se trouvent-t-il? Où se trouvent-ils quand les financiers de l'islamisme conquérant sont considérés comme des alliés, comme des partenaires honorables? Où se trouvent-ils quand un allié pilonne avec notre consentement ceux (les Kurdes en l'occurrence) qui se battent contre le même ennemi que nous, celui qu'on désigne, en oubliant les autres, les modérés, peut-on le dire sans rire ou pleurer, qui seront aussi nos amis dans le futur, espère-t-on? Où se trouvent-ils quand on est aveugle à ce point? Bien que je doute qu'il s'agisse là d'aveuglement. Il s'agit pour moi de fautes devant l'histoire très conscientes. Il s'agit d'une mise en danger consentie de ce que nous sommes.

Alors maintenant on peut pleurer, parler d'horreur, de crimes, de guerre. On peut décréter un deuil national. On peut confiner les Français chez eux. On peut aussi donner des coups de menton, ils ne vont pas tarder, accompagnés d'un discours belliqueux bien huilé et peut-être suivis de projets de lois liberticides pour les Français, tous les Français. On peut organiser une marche à laquelle on conviera le gratin de la planète pour montrer combien tout le monde nous aime et nous plaint. Mais tout ça n'est que du vent, de l'émotion vendue en barres par des communicants rompus à la chose. L'émotion devrait d'ailleurs être interdite aux dirigeants d'un pays. Ils ne sont pas là pour montrer leurs états d'âme, mais pour gouverner, et donc agir pour que ça ne se renouvelle pas. L'émotion ne remplacera jamais l'action et l'action n'est pas de s'émouvoir. Ni de constater. Ni de déplorer. Ni même de se contenter de rester dans une position défensive, en évitant certains attentats et en serrant les fesses pour que les autres ne se produisent pas. C'est offensif qu'il faut être, et pas seulement en paroles, mais en actes. Et pas une semaine ou un moins. C'est une guerre totale et permanente. Et pas en bombardant l'EI une fois par mois et en en faisant un titre de gloire.
Mais, voyez-vous, je n'espère rien. Plus rien.

PS : plus haut j'évoquais un terroriste possiblement titulaire d'un passeport syrien. C'est maintenant confirmé. Il s'agit d'un migrant entré par la Grèce. L'EI l'avait promis. Il a tenu parole. Combien d'autres parmi les dizaines de milliers entrés en Europe, vous savez les médecins et ingénieurs qui devaient assurer l'avenir de notre Europe qui se dépeuple de ses autochtones?