"En ces temps difficiles, il convient d'accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux." Chateaubriand

lundi 2 novembre 2015

Un p'tit café chez Lucette?





Il déambulait dans les rues de Vandoeuvre, avec ses ministres et ses conseillers lesquels se disaient "qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour le faire exister? Aller jusque dans le trou du cul du monde pour aller se taper un café avec une vieille dont il n'y a plus qu'à espérer qu'elle a retenu la leçon qu'on lui a apprise hier! P….in, quel métier! Heureusement qu'on est payé en conséquence!".
Il marchait le long des rues désertes, le service d'ordre avait voulu éviter que se reproduisent les incidents de la Courneuve et avait au préalable testé le dispositif dit "sans les indigènes" avec le premier ministre, accompagné de 17 ministres qui se demandaient ce qu'ils faisaient là, sauf la fayotte, vous savez celle qui sourit tout le temps, lors de son déplacement hautement médiatisé, coûteux et inutile aux Mureaux . Ça avait marché admirablement, pas un sifflet, pas une huée, et personne sur le trajet pour avoir de si sombres pensées puisqu'il n'y avait effectivement personne.  C'était donc le bon dispositif, celui qui serait désormais utilisé. Et donc ainsi testé, le président pouvait en profiter.

Chemin faisant, lui aussi avait appris le scénario concocté par maitre Gantzer, Gégé pour les intimes, le président stoppa, fit une courte pause le temps de se remémorer de ce qu'il devait dire et surtout à qui il devait le dire. Gégé, l'énarque punk, avait pourtant été simple et même compréhensible, chose rare pour quelqu'un sorti de cette brillante école formant nos élites de demain après avoir formé avec le succès qu'on sait celles qui nous dirigent aujourd'hui. Ça y est, ça lui revenait. Jeter un coup d'œil vers la gauche, et faire constater au maire du bled placé à sa droite comme le veut le protocole qu'il y avait de la lumière et que ça sentait bon le café là où il y avait de la lumière. Il ne pouvait pas se tromper, l'ami Gaspard ou Gégé, mais seulement pour les intimes, lui avait expliqué qu'on aurait vidé le quartier et que donc il ne pouvait y avoir qu'une seule lumière. Le président après avoir vu cette dernière se tourna donc une nouvelle fois vers la gauche, vit la tronche d'un de ses ministres venu là on ne sait trop pourquoi, lui-même serait volontiers resté à Paris, s'aperçut donc qu'il y avait une erreur et se tourna cette fois, avec succès, ça lui changeait, vers la droite.
"Monsieur le maire, ça sent bon le café par ici" dit-il en indiquant du nez dont le bout devenait rouge à cause du froid l'endroit d'où venaient lumière et odeur. "La lumière et l'odeur", il avait enfin trouvé ce qui le distinguait de Chirac qui n'avait pas vu la lumière mais entendu le bruit. Il se sentait enfin de gauche!
"Ah, mais oui, Monsieur le Président, je connais, c'est chez Lucette, une brave retraitée qui a voté pour vous, je le sais d'autant mieux qu'elle m'avait donné procuration. Elle serait bien contente de vous voir et de partager son café avec vous!", répliqua la maire qui lui aussi avait passé la nuit à réviser le scénario de Gégé, ceci expliquant davantage que l'abus de mirabelle, spécialité locale à laquelle pourtant le président n'aura pas droit, les grosses cernes qui lui pendaient sous les yeux.
"Vous croyez?" dit le président avec un œil égrillard qui n'aurait pas plu à Gégé s'il l'avait remarqué. Déjà, le coup de la procuration qui n'était pas de lui, on peut être énarque et pas complètement con, lui avait moyennement plu. Heureusement il était un peu en arrière et ne voyait que la partie charnue du président, celle sur laquelle il s'asseyait du moins.
"Eh bien, c'est simple, allons frapper à sa porte et nous le saurons!" dit le maire de façon mécanique.
Toc, toc, toc (voire dring pour ceux qui sont entrés dans la modernité)
Lucette ouvre la porte et s'exclame
"Ben ça quelle surprise! Le Président! Je ne vous attendais point à c't heure. Mais entrez donc, je viens justement de faire le café, vous en prendrez ben une p'tite tasse. Ce sera de bon cœur vous savez!"
Le président entra suivi de son aréopage et fit mine de ne pas voir les 72 journalistes entassés au fond de la pièce et dont on se demande ce qu'ils faisaient là. En tout cas, ce qui changeait de la majorité des participants à ce grandiose scénario, eux le savaient. Même si par ailleurs cela semait un sérieux doute sur la spontanéité des choses telles que décrites dans le scénario. C'est là effectivement que les choses se compliquent. Si on monte un scénario réaliste, et donc si dans le cas qui nous intéresse le président vient boire son café de façon impromptue chez Lucette, les journalistes n'ont pas leur place. Et ça ne sert à rien en termes de communication. Soit on monte un scénario auquel les journalistes sont associées et ça n'est plus crédible. Mais la force de la communication n'est-elle pas de rendre crédible ce qui ne l'est pas? Donc on fait semblant et surtout les journalistes ne parlent que de la visite impromptue sans évidemment s'interroger sur leur propre présence. Et ça marche sauf si un grain de sable… Nous verrons ça plus loin.

S'ensuivit alors un échange surréaliste interrompu par le loufiat de service, celui préposé au café dont on pouvait se demander ce qu'il faisait là. Un truc du style :
"Et bien ici on est bien mieux qu'à l'Elysée. Au moins on respire!". Cela étant dit malgré la densité d'occupation des 20 mètres carrés du salon où les 92 personnes présentes tentent d'aspirer un air qui se fait rare.
"Ça c'est ben vrai, M'sieur l' Président. Et ça c'est grâce à vous, à votre politique audacieuse et tellement perspicace du logement qui m'a permis d'emménager entre ces murs tandis que j'occupais auparavant un appartement vétuste en HLM. " Elle avait bien appris sa leçon la Lucette et elle savait qu'il ne fallait surtout pas parler du bruit et de l'odeur quand elle évoquait son ancienne résidence. On le lui avait assez répété. Elle avait bon! Peut-être même qu'elle pourrait garder les tasses de la mairie. Les chaises, elle n'en avait pas l'utilité, une pour elle et l'autre pour son chat ça suffisait. Mais par contre les tasses…
C'est donc ainsi que notre président passa un agréable moment avec une vraie française, attentif à ses préoccupations et convaincu, puisque Lucette le lui avait dit, que sa politique était la bonne. Il était tellement content, surtout de lui, qu'après être sorti de l'appartement il appela Gégé et lui demanda, non pas s'il avait été bien, car de ça il ne doutait pas, il n'en doute d'ailleurs jamais, mais s'il avait bien tweeté les photos immortalisant cette rencontre destinée à renforcer sa gloire auprès des Français qu'il aime tant mais ne lui rendent que fort peu. Gégé n'osa pas lui rappeler qu'il était un pro et se contenta d'une réponse affirmative. Content le président lui dit "Tu diras à l'équipe que dans deux jours, pour les récompenser, je leur paie, enfin les Français, une omelette chez la mère Poulard, au Mont. C'était vraiment une bonne journée. Bravo Gégé, t'es un as!".

Sauf que Gégé n'avait pas imaginé qu'une journaliste travaillant sur une chaine sans doute en accointance avec l'opposition irait fouiner à Vandoeuvre pour mettre Lucette sur le grill afin qu'elle lui raconte ce qui s'était réellement passé, pas tellement pendant, car ça tout le monde l'avait vu, mais avant et après.
La Lucette qui est bonne fille et d'une génération à laquelle on apprenait que le mensonge n'était pas moral ne se fit pas prier pour raconter ce que tout le monde sait désormais. Enfin savait déjà mais faisant semblant de ne pas savoir, selon les règles d'une bonne communication gouvernementale.
Elle voulait dire, entre autres, au président qu'elle préférerait qu'il s'occupe des Français dans la misère plutôt que des migrants. On lui a déconseillé de le faire. Peut-être en lui disant que c'est la même chose que ce que dit le FN, peut-être en la menaçant d'avoir à accueillir une famille de Somaliens dans son appartement dont elle est si contente. On ne saura pas. En tout cas, elle savait qu'il ne fallait pas le dire et elle ne l'a pas dit. Du moins en présence du président. Après, si!
Du coup elle n'aura sans doute gardé de cette visite que les fleurs qui seront vite fanées. Et peut-être la joie d'avoir eu son quart d'heure warholien.  Quant à notre président, une fois de plus il s'est ridiculisé.
Vive Lucette! Gégé, démission!

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